Chapitre 38 : Reviens

11 4 0
                                    

Carmen resta une semaine à se balancer, en avant, en arrière. Elle ne dormait plus, ne mangeait plus, ne fumait plus. Son esprit était vide. Ni Julien, ni Philippe, ni Max n'étaient venus hanter ses pensées. Elle avait eu besoin d'une seule seconde, de la seule gifle de Julien, pour comprendre pourquoi elle avait trompé Philippe, pourquoi elle avait voulu tromper Julien. Ensuite, tout s'était imposé comme une évidence. Elle n'avait même plus besoin de penser.

Ni Julien, ni Max n'avaient appelé. Ce dernier ne lui avait pas envoyé de mail. Au moment où elle avait besoin de lui, il s'était éclipsé. Pas par méchanceté, ni par égoïsme, surement par pudeur, mais comme cette pudeur lui faisait défaut à cet instant...

Le commissaire Bouvardet était aux abonnés absents depuis deux mois. Par fierté, Carmen n'avait pas souhaité lui mettre un message, mais elle regrettait amèrement son choix. De toute évidence, le commissaire était retourné à son activité favorite : la fainéantise.

Le seul à avoir écrit à la jeune femme durant cette semaine à la fois si longue et si courte fut Mercure. Il lui donnait des nouvelles de Prague. Il avait l'air de bien s'amuser, et espérait que la jeune femme faisait de même. Carmen choisit d'ignorer son mail. Lui aussi était retombé dans ses vieux démons.

Quant à Léna, elle répondait également aux abonnés absents. Encore une fois, Carmen s'en moquait. Mais elle était blessée. Elle aurait espéré que la jeune femme s'excuse, ou fasse un pas vers elle, mais la fierté de Léna était encore plus forte que la sienne.

Carmen se sentait terriblement seule, d'une solitude si douloureuse qu'elle hurlait régulièrement dans le jardin, comme pour appeler à l'aide. Bien entendu, personne ne daignait lui répondre.

Sa seule compagne, outre la balançoire, était cette fameuse corde qu'elle avait caressé plus d'une fois. Comme elle se mariait bien avec la couleur de ses cheveux, avec sa carnation pâle, avec sa silhouette fine... Comme une gymnaste et sa corde, une funambule et son fil, une artiste et sa toile, elles formaient un couple étrangement bien assorti... Couple sombre, et à la fois si joyeux...

Carmen Saint-Roméo aurait peut-être fini par se balancer en avant, en arrière, avec son amante maudite, si elle n'avait pas reçu ce mail de Max, vers dix-neuf heures.

De Max à Carmen Saint-Roméo :

Objet : Urgence

Beauté,

Il faut que tu reviennes à S. dès ce soir. Retrouve-moi à la bibliothèque municipale à vingt-deux heures. C'est urgent.

Max

De Carmen Saint-Roméo à Max :

Re : Urgence

Max,

Que se passe-t-il ? Je ne peux pas revenir à S. sauf extrême importance. Dis-en moi plus, tu m'inquiètes.

Carmen.

Max sembla hésiter. Carmen tremblait frénétiquement. Finalement, elle reçut le mail suivant, qui fit bondir son cœur :

De Max à Carmen Saint-Roméo

Re : Urgence

Je sais qui c'est. Je sais qui a tué Philippe, et les autres. Je ne peux pas t'en parler maintenant. Ne me demande pas comment je l'ai appris, tu ne me croirais pas. Mais j'ai des preuves. Je suis peut-être suivi. Il faut que tu viennes. Vingt-deux heures, bibliothèque municipale. C'est mon dernier message, Carmen, si tu ne viens pas, tu ne le sauras peut-être jamais.

Dix TatouagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant