Petits défis entre amis

Onze janvier deux mille dix-neuf - Émergé

Sofia avait beaucoup voyagé depuis sa naissance, d'abord avec ses parents puis seule une fois qu'elle avait eu l'âge de pouvoir se balader dans tout le pays sans être accompagnée. A présent, elle pouvait affirmer haut et fort qu'elle connaissait par cœur son pays d'origine et il était évident qu'elle aurait pu prétendre à un métier dans le tourisme comme guide, par exemple.

Pourtant, Sofia n'avait pas envie d'arrêter de voyager et, alors qu'elle n'était rentrée chez elle que depuis un mois, elle commençait déjà à ressentir un certain manque. Elle voulait découvrir des paysages toujours plus différents habités par des personnes toujours si uniques. Le problème résidait dans le fait que, en connaissant son pays par cœur, il n'y avait plus rien à découvrir.

Sauf si...

Le projet germa dans les pensées de Sofia, plus fou que tout ce qu'elle avait pu avoir comme idées saugrenues par le passé, que tout ce qu'elle avait pu vivre depuis tout ce temps.

Ce projet ne ferait pas l'unanimité auprès de sa famille, de ses proches mais Sofia était prête à tout, même à devoir se battre contre eux et leurs idées arriérées.

La jeune femme profita du dîner suivant pour parler de ce qu'elle allait faire, pour leur dire aurevoir tout en n'étant pas totalement sûre qu'il ne s'agisse pas plutôt d'un adieu.

« Maman, Papa, j'ai quelque chose d'important à vous dire. »

Sofia sut en voyant leurs regards que rien ne serait plus compliqué de que leur annoncer son proche départ dans un pays si lointain.

« Je vais retourner voyager. »

Ses parents ne comprirent pas du tout de quoi elle parlait, eux qui avaient pensé qu'après tant de voyages, elle s'était enfin calmée et qu'elle était surtout prête à se poser, à trouver un travail et quelqu'un avec qui fonder une famille. Ils pensèrent un instant qu'elle se moquait d'eux.

« Je vais aller visiter l'autre pays. »

Sofia vit les visages de ses parents se remplir d'une incompréhension totale puis, peu à peu, ils devinrent sombres, sombres de peur et de colère.

« Je vais partir d'ici et rejoindre la partie émergée de notre monde. »

La mère de Sofia, Ingrid, s'énerva d'un coup, ne laissant plus à sa fille la chance de placer une parole de plus et ne laissant pas non plus à son mari un espoir de pouvoir la tempérer comme il le faisait d'habitude.

« Il en est hors de question. »

Sa voix avait été sèche, tranchante, un réel coup de poignard.

« Je t'interdis d'aller là-haut et ce n'est pas négociable. Nous avons accepté que tu prennes ton temps pour voyager sous terre pour te faire plaisir mais là tu vas trop loin. »

Ingrid regarda sa fille dans les yeux avec un regard plus perçant que n'importe quel objet ne pouvait l'être en ce monde.

« Tu ne seras jamais capable de survivre là-haut. Il n'y a rien d'autre que des Hommes pourris jusqu'à la moëlle. »

Sofia avait toujours pensé que ce serait compliqué, que son père s'opposerait à ce départ sur cette terre inconnue et lointaine mais elle avait naïvement espéré qu'après quelques mots, quelques explications, son père n'aurait plus rien dit. Par contre, elle n'avait jamais imaginé que sa mère s'énerverait ainsi, qu'elle la regarderait comme une moins que rien, une enfant ratée, une adolescente capricieuse.

Doucement, la jeune femme quitta la table et se dirigea vers sa chambre tout en tentant de retenir ses larmes.

Dès lors, Sofia n'avait plus fait qu'éviter ses parents. Elle ne cherchait ni travail ni personnes avec qui passer du temps de quelque façon que ce soit. Elle avait besoin de partir, de voyager, de découvrir et elle était bloquée ici ! Sa résolution lui semblait bien loin maintenant que sa mère lui avait fait comprendre qu'il fallait choisir, que, si elle choisissait de partir, elle choisissait également de ne plus jamais revenir.

Pourtant, un jour, alors qu'elle était seule dans la maison familiale et qu'elle se levait enfin pour sustenter son corps qui commençait à crier famine, elle vit sur la petite table de la cuisine une enveloppe contenant deux papiers.

Le premier papier était une lettre, une longue lettre en deux parties sur laquelle Sofia reconnut l'écriture de ses deux parents. Sa mère s'excusait, expliquait les raisons de son comportement et, si elle ne semblait toujours pas être encline à la pousser vers son voyage, elle paraissait enfin accepter de la laisser faire ce qu'elle voulait. De l'autre côté, son père écrivait également quelques réticences quant à cette destination et aux obstacles qui ne manqueraient de barrer la route de sa fille mais il n'essaya pas une seule seconde de l'en arrêter.

L'autre papier était un billet vers l'autre côté du monde.

Sofia allait enfin pouvoir monter à la surface, découvrir la partie émergée de la Terre ainsi que ses paysages et ses habitants, ses us et ses coutumes : sa vie entière.