36 - Refuge : La fille du soupçon

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Le soupçon est fils de l'ignorance : le vrai

remède à cette infirmité, c'est de s'instruire

au lieu de nourrir les soupçons et de les

couver pour ainsi dire dans le silence,

car les soupçons se nourrissent dans les

ténèbres et se repaissent de fumées.

FRANCIS BACON

DIMANCHE 30 DÉCEMBRE

11 : 45

ÉMALIQUE

Remonter le tunnel en courant.

Iris et le garçon avaient disparu là-haut il y a déjà deux jours. Deux jours que les autres jeunes avaient quitté le refuge. Ils devaient déjà être arrivés à Plena.

Il ne m'avait pas fallu chercher très loin pour trouver un prétexte à mon départ retardé. Seulement d'exploser une partie de la vérité à mes collègues. Non, je n'avais pas menti en disant que l'un des réfugiés manquait à l'appel et que je ne partirai pas avant de l'avoir retrouvé.

Actionner le levier, me précipiter à l'intérieur. Remonter la galerie. Le silence de cette cabane à flanc de montagne me rassura. J'eus l'espoir qu'ils aient écouté mon conseil. Partir était la meilleure option pour eux comme pour l'entièreté du peuple listien, si ce n'était plus. Je les appelai, priant pour garder la solitude en interlocutrice, ouvrant les portes dans l'espoir de ne pas les trouver.

Nulle part. Partis. Ça m'étonnait. Ça m'étonnait d'Iris.

Puis l'air trembla dans un rire qui naissait derrière la dernière porte close.

*

DIMANCHE 30 DÉCEMBRE

11 : 56

IRIS

— Qu'est-ce que tu fous encore là ! s'écria Émalique pour la seconde fois.

Toujours assise en tailleur face à Jérémy sur le matelas poussiéreux, elle fit craquer nerveusement ses doigts en gardant son regard perdu dans les fleurs de la tapisserie. Elle était laide, cette chambre encroutée de dentelles, mais bien plus facile à contempler que son égo blessé.

— On a choisi, répondit son ami à sa place. Et apparemment ça vous étonne pas tant que ça puisque vous êtes revenus nous chercher.

— C'est pas à toi que je parle c'est à Iris !

Son cri grave la fit sursauter. Elle quitta son observation florale pour rencontrer les traits tendus du président.

— Qu'est-ce qui n'était pas clair dans ce que je t'ai dit !

La courbe entre son nez et ses lèvres, si voyante lorsqu'il souriait, disparaissait à présent dans une multitude de ridules de stress. Mentir ? Prétendre être ce qu'elle ne serait jamais ? S'embellir d'une pseudo volonté altruiste ?

À l'intérieur, elle savait. Son choix n'était pas pour les pauvres gens qu'elle pouvait sauver. Il n'était pas pour le salut d'un peuple. Il était pour elle, pour elle et sa curiosité, son désir d'avoir une place, une vraie place, pas un carré de pavé sur un trottoir poisseux.

Pour ne pas briser le mirage, elle s'enlisa dans son mutisme, esquivant l'évidence que son cœur voulait crier.

— Laissez-la ! On a choisi de rejoindre notre espèce, qu'est-ce qui vous faut de plus comme argument, hein ?

ILLUSIONS RASSURANTESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant