3 - Paris : Violence peureuse

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Être Homme, c'est pouvoir

infiniment tomber.

LOUIS ARAGON

VENDREDI 21 DÉCEMBRE

11 : 09

IRIS

— Au revoir madame !

Les portes automatisées se refermèrent.

Soulagement.

Délivrance.

Iris serra le petit objet dans ses doigts tremblants tandis que l'ascenseur se mettait bruyamment en branle. Enfin seule, elle osa poser les yeux sur son butin : une paire d'AirPod dans leur boîte d'origine. Elle sourit, voilà qui valait son pesant d'or. Sa cliente trop distraite n'avait pas remarqué la supercherie, mais combien de temps encore pourrait-elle piller en toute impunité ?

La rue était sa maison depuis sept ans. Sept ans de misère et de combat pour rester digne. Le vol était devenu une solution idéale. Il y avait quelque chose de cruel à déposséder les autres de leurs biens. Il y avait quelque chose de juste aussi. Et elle aimait ça.

Sonnerie suraiguë. La cage d'ascenseur s'immobilisa. Bien qu'elle venait régulièrement prendre les commandes des architectes, elle ne put s'empêcher d'admirer la décoration végétale et contemporaine du cabinet. D'immenses fleurs tropicales côtoyaient des murs beiges dans une ambiance chic, mais détendue. Les parois aux ouvertures modernisées des bureaux donnaient une vue plongeante sur la rue, embellie par les plantes grimpantes qui poussaient à l'intérieur de l'espace. Si elle devait élire une seule de ses pièces pour définir le lieu, elle aurait néanmoins choisi le hall. On s'y sentait simplement entouré de nature. Il n'y avait pas meilleure sensation.

Sensation que gâchait la réceptionniste de sa curiosité.

Ce qui le motivait à la suivre ainsi du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse n'était pas un mystère. Mais tant qu'elle la laissait en paix, Iris se promettait de ne pas intervenir.

Elle traversa le hall. Traquée. Surveillée. Cette fois-ci, la gardienne lui jetait des coups d'œil indiscrets derrière son téléphone.

— Hé ! Vous faites quoi là ?

La femme sursauta. Elle tenta de cacher son portable. De stress, elle le lâcha.

Iris dévia de son habituelle trajectoire pour rejoindre la longue enfilade de la réceptionniste. Elle déviait du quotidien, et cela la terrifiait. D'un geste vif, elle fondit sur l'appareil pour le rattraper au vol et en examina le contenu.

Son regard passa de la pimbêche aux preuves.

— Ne me faites pas de mal ! S'il vous plaît, gémit l'autre en serrant son sac à main contre elle.

Iris bondit par-dessus le comptoir. La réceptionniste se trouva clouée au sol. Le cou congestionné par une poigne décharnée.

— Sale fouille-merde, si t'en parles je te tue. C'est clair ?

Sa peau rosit. Agrippée au poignet de sa tortionnaire, elle se débattait sans grand effet. Elle relâcha sa prise, permettant à la curieuse d'acquiescer convulsivement d'un mouvement de tête.

Iris se releva. Et lui tourna le dos. Son poing fermé autour du téléphone, elle sortit de l'immeuble et, d'un lancé nerveux, fit éclater son écran contre le macadam pour en extraire la puce électronique. Elle la brisa entre ses pouces.

ILLUSIONS RASSURANTESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant