Chapitre 10: 31 octobre

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La nuit était tombée à une vitesse fulgurante sur la ville de Bar Harbor. De hautes volutes de fumée d'un blanc éclatant s'élevaient des cheminées, fendant le ciel noir et sans étoiles. Le léger vent du matin s'était muté en bourrasques violentes, s'infiltrant par les moindres recoins et vous glaçant jusqu'à la moelle. La lune, luisante et pleine,perdue au cœur d'un halo de nuages, baignait le bâtiment gothique d'une lueur spectrale. Les gravillons de l'allée craquaient sous le poids des personnes présentes, cacophonie délirante dans le silence de plomb. Le clocher sonna onze coups, qui résonnèrent contre les murs de pierre. Les derniers arrivant se pressaient vers l'intérieur. Dans la nef bondée, des silhouettes se dessinaient à la lueur des bougies. L'air empestait l'encens et le bois. Devant l'autel, deux chaises en bois aux dossiers droits, attendaient patiemment leurs occupantes.

Dana se tenait droite et fière, en apparence. À l'intérieur, elle se sentait sombrer. Elle s'accrochait à l'espoir infime que Mulder arrive à temps. Elle n'acceptait pas de devoir dire adieu à la vie terrestre maintenant. Il lui restait tellement de choses à faire, à dire et à vivre. Elle voulait se marier, continuer de courir après les lubies de son meilleur ami, contemplait la neige tomber devant une tasse de thé avec sa mère, profiter de ses neveux. Tant de choses à faire. Cependant, elle se voulait forte. Ne jamais abandonner, voilà ce qui la caractérisait. Elle était une battante. Elle devait se battre, pour elle, pour sa famille et pour Mulder. Ces quelques jours de solitude et d'angoisse peuplés d'introspection, lui avait fait admettre l'inévitable. Fox était bien plus que ce qu'elle clamait au monde entier. Il méritait de le savoir. Elle ne pouvait pas mourir avant de lui avoir dit ces trois mots-là. Tellement magique et tellement destructeur à la fois.

A ses côtés, Mary chantonnait. Dans les quelques bribes qu'elle eut pensé entendre, elle pensait reconnaître une comptine pour enfants. Cette mélodie incessante et perturbante, provoquait chez Scully des envies de meurtre.

-Mary, arrête s'il te plaît.

-Pardon.

Le silence revint. A la fois terrifiant et réconfortant. Consolation d'un laps de temps trop court selon Dana. Mary chantait à nouveau. Elle se prit alors à écouter plus activement les paroles. Une histoire de bois, de pique-nique, d'ours et de déguisement. Tellement dans le thème de la soirée. Si elle sortait de la vivante, elle se promettait d'écrire un livre sur cette soirée. Elle voyait déjà le titre de celui-ci :« Halloween et pendaison, fête païenne à Bar Harbor ». Pour sûr, il ne serait pas classé dans la catégorie enfant. Ou alors, ce serait l'introduction de son rapport pour le bureau. Oui, cette option semblait plus probante.

Ses poignets la démangeaient. Ils étaient liés par une corde en chaume a niveau de son abdomen. Vu la température extérieure, elle était pratiquement sûre que si ces tarés ne se dépêchaient pas un peu, elle mourrait d'hypothermie. À peine cette pensée lue-elle effleurée, que l'adjoint Ropse, fit son entrée dans la petite salle. Il portait le parfait uniforme du colon d'Amérique. C'était à la fois stupéfiant de voir que même les plus petits détails avaient été respecté, mais aussi affligeant. Pour qui se prenaient-ils tous à la fin ? Rédemption divine son cul oui ! Tiens, elle se mettait à jurer. Mulder aurait bien ri.

L'homme s'avança et attrapa la corde au sol. Tirant un coup sec sur leur lien, leur intimant de bouger. Ses yeux mirent quelques minutes à s'adapter à la lumière tremblotante des cierges. À la vision de cette église bondée, une seule phrase lui vint à l'esprit.

-Pour l'amour du ciel, c'est quoi ce bordel !

Mary se contenta de hausser les épaules, complètement imperméable à la situation actuelle. Elle se sentit tirée en avant par la traction exercée sur ses liens par Ropse. Si elle s'en sortait vivante, il allait voir de quel bois elle se chauffait. Foi de Dana Scully. On les força à s'installer sur deux chaises en bois. Devant elles, un nombre incalculable de personnalités hauts placés de Bar Harbor. Le maire, des adjoints municipaux mais également, de police, le coroner, des rangers, des enseignants et également des commerçants et citoyens lambdas. En tout et pour tout, une quarantaine de têtes, toutes venues ici pour les voir mourir. L'orgue entama des notes lugubres, alors que du fond de la petite église, une lueur vacillante s'avançait à pas lents et réguliers. Derrière un cierge d'une taille impressionnante, se tenait Darin Corvin, enveloppé dans une soutane écrue. Il monta les quelques marches le séparant de l'autel, sans même adresser un regard à sa fille. L'assemblée remua, attendant la suite des événements.

L'oiseau de mauvaise augureWhere stories live. Discover now