Épilogue

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- Rhaaaa putain !

Il froissa une énième feuille de papier pour la balancer dans la poubelle. La poubelle qu'il manqua, pour la énième fois. Cela faisait des jours qu'il regardait son téléphone toutes les trente secondes. Lui qui était le genre de mec à ne jamais avoir son portable sur lui, lui qui habituellement, ne répondait jamais aux appels ou aux messages. Il était devenu accro au seul objet qui lui donnait un espoir d'avoir de ses nouvelles à elle.

De manière complètement illogique, il attendait son appel. Il était bien conscient qu'il attendait quelque chose qui n'arriverait jamais, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Depuis qu'elle l'avait appelé presque une semaine après la sortie de son album, il espérait, en vain, qu'elle le rappelle.

Il espérait qu'il aurait l'occasion de s'expliquer, de la retenir. Il se convainquait qu'il suffirait qu'il lui explique, qu'il lui parle, pour qu'elle lui revienne. Mais la vérité était, qu'il avait tout foutu en l'air. Il avait cru, dur comme fer, que ce serait sa dernière copine. Que ce serait la mère de ses enfants. Qu'elle et lui c'était pour la vie. Qu'elle lui pardonnerait. Qu'elle reviendrait. C'était son mode opératoire: elle prenait la fuite pour quelque temps, puis elle finissait toujours par revenir. Mais cette fois, son départ lui laissait un goût amere.

Il la connaissait. Il la connaissait tellement bien, qu'il savait qu'elle ne reviendrait pas. Putain, il aurait préféré ne pas pouvoir anticiper ses réactions, il aurait pu se voiler la face. Sur le coup, il ne s'en était pas rendu compte, mais aujourd'hui il avait juste besoin d'un minimum d'espoir, pour avancer.

Il était au top de sa carrière, son album faisait un carton. Il enchaînait les concerts, les interviews et les autographes. Il n'avait jamais été aussi heureux dans sa carrière et aussi malheureux dans sa vie privée. Quel euphémisme. Il devrait être au paroxysme du bonheur.

Comment une femme avait-elle pu lui saper le moral au détriment de son art ? Si elle n'avait pas prononcé ces fameux trois petits mots, peut-être qu'il aurait encore un tant soit peu d'espoir. Sept lettres, voilà ce qui lui avait arraché le coeur de la poitrine. Il en avait rêvé d'entendre sa voix. Si seulement cela avait été pour autre chose que pour prononcer les mots qu'il donnerait tout pour ne jamais avoir entendu venant de sa bouche.

Elle.

Julietta.

Une bourgeoise qui était arrivée dans sa vie pour tout mettre sens dessus dessous.

Flashback, pdv de Julietta.

14 Juin 2015

Plus d'un mois que je suis au Sri Lanka avec Sasha. Je réapprends doucement à apprécier ma vie. Mais ces derniers jours je me battais contre moi-même pour ne pas retomber dans la déprime. 6 jours, pour être exacte. 6 jours que j'évite de penser. 6 jours que je supplie Sasha de ne pas me laisser seule. Ne pas me laisser seule, pour ne pas que j'aille sur les réseaux. Pour ne pas que je le vois lui sur toutes les actualités.

Bordel mais pourquoi il fallait que l'homme qui m'a fait autant de mal devienne aussi célèbre ? Il y a 6 jours, on était le 8 Juin. Pas besoin de vous faire un dessin, mais je mourrais d'envie d'écouter ses morceaux. Je me battais corps et âmes pour ne pas céder à cette envie.

Il est 6 heures du matin ici, 2 heures en France. Dormait-il ? Pensait-il à moi parfois? J'aimerais bien, la vérité étant qu'il doit probablement être en train de se faire une pétasse. Je soufflai, et la citation préférée de ma mère me vint « coeur qui soupir n'a pas ce qu'il désire ». Et puis merde! Au pire si j'écoute son album qu'est-ce que ça fait ?!

J'allumai mon ordinateur et je lançai l'album sur iTunes. 1 heures et 19 minutes. Bon, je prends le temps. J'étais même pas à la moitié de l'album que je refermai brutalement mon ordinateur. J'étais verte de rage. CONNARD. Comment avait-il osé balancer notre vie privée sur un putain de morceau ??? Putain mais mon frère a surement écouté cet album! Et j'aurais de la chance si c'est le seul de ma famille à l'avoir fait.

En plus de parler de nos moments intimes, il mélangeait notre histoire avec celles de ses coups d'un soir. Quel genre de manque de respect est-ce ?! Sans réfléchir je saisis mon téléphone. J'appelle une fois, pas de réponse. Une deuxième fois. Pas de réponse. J'hurlai des injures dans ma chambre, Sasha déboula, inquiet.

- J? Qu'est-ce que t'as?

- BORDEL MAIS QUEL CONNARD!

- Quoi ? Mais de quoi tu parles ?!

- Rien, rien. Laisse-moi, j'ai un appel à passer.

Non sans hésitation il sortit de ma chambre. J'enfilai une tenue de sport et j'allai faire un footing. Cela faisait à peine 20 minutes que je courrais sur le tapis de course de la villa que je réessayai de l'appeler. Il décrocha, visiblement énervé.

- Quoi ?!

- Pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi tu persistes à me faire du mal ?

À regret je lui parlais faiblement, ma voix qui déraillait, trahissait mon état fébrile. Dans ma tête, ça sonnait plus comme une remarque assassine, mais la vérité était qu'il devait probablement avoir l'impression que je parlait du bout des lèvres. Il parut surpris d'entendre ma voix, normal j'avais changé mon numéro téléphone dans ma fuite.

- Julietta ?! C'est toi ?!

- Ah parce qu'il y en a d'autres ? D'autres nana à qui tu fais mordre l'oreiller ? Remarque, ça ne m'étonnerait pas.

- Ah, tu l'as écouté.

- J'ai bien tenté mais égérie m'a donné envie d'écourter mon écoute.

- Ça t'as plu ?

- Comment oses-tu me demander ça ? Putain Ken, t'as dévoilé au grand jour notre intimité! Une déception, t'es juste une putain de déception pour moi.

- Dis pas ça.

- 2 Hommes dans ma vie. Le premier me cognait dessus pendant mon mariage. L'autre, m'a fait croire au grand amour. Tu es indéniablement le pire.

- T'as pas le droit de dire ça, de me comparer avec ce porc.

- Tu n'avais pas le droit non plus, de lâcher ce morceau, en sachant que je l'écouterai. T'es égoïste Ken, tu penses qu'à toi.

- Pardonne moi...

- Je te pardonnerais quand j'arrêterais de t'aimer.

Un gros blanc me répondit. Je répétai, histoire qu'il sache à quel point j'étais brisée.

- Je t'aime. Je t'aime à en crever et c'est pour ça que plus jamais tu ne me verras, plus jamais tu n'entendras ma voix et plus jamais tu n'auras de mes nouvelles. Ce sera comme si toi et moi ça n'avait jamais existé.

Je raccrochai immédiatement avant de jeter ma carte Sim à la mer. Hors de question d'avoir le moindre contact avec lui, plus jamais.

Fin du flashback.

Elle lui avait dit, elle avait tout avoué. « Le jour où je te dirais je t'aime, ce sera fini entre nous ». Voilà, elle lui avait dit. C'était vraiment comme ça qu'une histoire d'amour se finissait ? Avec un « je t'aime »? Autrefois, ce sont des mots pour lesquels il aurait été capable de tuer pour les entendre de la bouche de la femme qu'il aimait. Aujourd'hui, ce sont des mots qu'il rêverait ne jamais avoir entendus.

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