ANTOINE

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J'ai envie de me gifler. Assise là, au bord du lit, enroulée dans un morceau de drap, dans une espèce de pudeur ridicule et malvenue. Lui est à côté de moi, il s'allume un joint.

J'ai envie de me gifler.

Je l'entend expirer et pousser un soupir de soulagement. Merde à la fin, mais qu'est-ce qui va pas chez moi? Je suis pas de ceux-là, j'ai rien à foutre ici. Je pousse un soupir bruyant, agacé. Il l'entend.

- Bon bah bye, je lâche dans le silence de la pièce trop blanche et trop vide.

J'enfile ma culotte, abandonne le drap et ma dignité avec, enfile mon tee-shirt blanc.

- Ah?

Ça sonne comme une interrogation. Je me penche pour ramasser mon soutien gorge et le fourre dans le sac que j'ai laissé à côté du matelas. Je viens de perdre mon temps. Tout ce que j'ai fais, là, ce soir : ça sert à rien.

- Mais...

Il fait traîner la dernière syllabe, hésite. Je me tourne vers lui. Il a l'air un peu paumé, ça doit être l'herbe.

- Donc tu pars? Reprend-il.
- Hum, oui.

On se regarde comme des cons. Le silence poursuit.

- T'attends que je te retienne? Demande-t-il soudain, méfiant.
- Nan.

Je lui tourne le dos en me maudissant. La situation est bizarre maintenant. Faut que je me tire tout de suite. J'enfile mon jean et mon pull bleu. C'était mon préféré en plus, maintenant à chaque fois que je le verrai, je repenserai à ça.

- Il fait froid dehors, constate-t-il.
- Ouais.

Je cherche mes clés dans mon sac.

- Tu rentres comment?
- Je sais pas. A pieds?

Je les fourre dans ma poche.

- A cette heure-ci?

Je lève la tête vers lui.

- Ben, oui.
- Mais t'es au courant que t'es à Paname, là? Tu peux pas rentrer à pieds comme ça.
- Regarde moi faire.

Je lui tourne le dos. Je bluffe complètement, je suis une grosse flippée et de toute façon il manquerait plus que je me fasse agressée. Tant pis, je me ruinerai, j'appellerai un taxi.

- Nan mais j'suis sérieux là.

Je l'entend se redresser pendant que je mets mes chaussettes. Je soupire, j'ai plus aucune force. J'ai envie de lui dire que je dois partir, que je regrette trop de trucs, que ce soir je m'aime pas et que j'aimerai mieux m'être faite fauchée que d'être sortie.

- Moi je dis ça pour toi, après t'es libre, hein. Tu peux te casser si tu veux, ça me regarde pas
- Je veux pas mourir.
- Bah reste si tu veux.
- Okay.

Je me laisse tomber en arrière et fixe le plafond. Est-ce que ça pourrait être pire? Je veux rentrer chez moi, bordel de merde. Je veux dormir cent ans.

- T'es une drôle de fille, dit-il après une minute de silence.

On entend des bruits de sirène au loin, des bruits de la nuit.

- Enfin je me plains pas, hein, reprend-il.

Il pose son joint dans le cendrier à côté du lit.

- Tu vis ici? Je demande.
- À Paris?
- Nan, dans cet appart'.
- Non, c'est celui d'un pote, mais il est pas là de la semaine. Je dois arroser les plantes.

Je pouffe.

- Toi, t'arroses les plantes?
- Bah ouais, qu'est-ce qu'il y a?
- Rien du tout, je sourie. J'étais sûre que t'habitais pas ici. C'est pas assez luxueux, non?
- Tu penses que je suis quelqu'un de luxueux?
- Je sais pas mais t'es riche.

les amants imaginairesWhere stories live. Discover now