MAXENCE

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Dans la chaleur d'une boîte parisienne, trois silhouettes se dessinent. Deux garçons : l'un très grand, élancé; l'autre plus petit. Entre eux, une fille. La lumière glisse sur leur peau moite, changeante. Elle, est vêtue d'un manteau de fourrure. Lorsque Maxence ouvre les yeux, la peau de son visage et de son décolleté est verte, comme celle d'une héroïne de science-fiction. Il sourit, passe une main dans ses cheveux en bataille châtain. Derrière elle, Lucas, son petit-copain, l'imite. Mais il ne le voit pas. Elle renverse son visage et la voix de Sam Smith résonne à travers les enceintes. Elle se laisse porter par la musique. Jamais il n'a vu personne danser de cette manière. Elle semble tout droit sortie d'un clip de Tove Lo ou de Calvin Harris and The Disciples. Elle agite la main devant son visage, comme pour s'éventer, puis se retourne. Lorsqu'elle disparaît, Lucas lui crie quelque chose à l'oreille : "on va prendre un verre". Maxence hoche la tête, le dépasse, saisit la main de la jeune fille en fendant la foule. Ils atteignent le bar où plusieurs groupes de personnes gloussent, boivent des shots et se draguent lourdement. Maxence lève un doigt vers le barman.

- Un cosmopolitan.

Il se tourne vers elle, ils se sourient, complices. Lucas déglutit, vide le verre abandonné près de lui. Cette proximité restera toujours dure à avaler pour lui. Maxence et lui sont pourtant amoureux, proches. Mais il aimerait malgré tout pouvoir défaire le fil invisible qui unit son petit-ami à la jeune fille lorsqu'ils se retrouvent dans la même pièce. Maxence sait le rassurer, et Lucas sait qu'il a accès à des parties de lui qu'elle n'aura jamais. Mais c'est ce genre de regard, de confidences muettes, de chuchotement murmurés à l'écart, loin de lui, qui lui vrillent l'estomac.

Elle retire son manteau, dévoilant sa plastique impeccable. Elle est jolie. Même si Lucas ne ressent aucune attirance envers les filles, il le sait. Elle est petite, mais son ventre est plat, sa taille marquée, ses formes harmonieuses, sa silhouette délicate. Il voit le regard des hommes se balader sur son corps lorsque le manteau disparaît sur le dossier du tabouret. Son homme sirote son coca à la cerise en le regardant. Lucas lui sert un petit sourire, il sait qu'il a de la chance. Les lèvres de son petit-ami entourent la forme ronde d'une cerise, puis d'une seconde. Il tend la queue à sa partenaire de crime qui la glisse dans sa bouche, et tire la langue en direction de Lucas pour lui montrer sa réussite : un petit nœud. Maxence applaudit en riant, le poids dans le ventre de Lucas disparaît un peu. Il descend de son tabouret et se glisse dans la foule.

Maxence la retient par le bras et balaye ses cheveux le long de son épaule. Il tire sur les lacets de sa robe, dans son dos, pour refaire le nœud qui la retient. Ses doigts s'attardent sur sa peau, faisant mine de vérifier. Ses yeux se perdent un peu, l'alcool trouble sa vision et ses gestes. Il aperçoit Lucas au loin, qui les attend. Il sourit et le rejoint. Il embrasse son petit-ami, rit comme il a l'habitude de le faire en le regardant comme s'il était la huitième merveille du monde. Et le monde de Lucas tangue un peu, alors qu'il passe ses main autour de son cou. Maxence est ce genre de garçon qu'on a jamais l'impression de posséder complètement. Dont on a conscience qu'il peut nous filer entre les doigts à tout moment. Qui séduit naturellement, instantanément, le monde entier. Qui n'aura jamais besoin de vous autant que vous aurez besoin de lui. Qui vous échappe, tout simplement. Mais dans ces moments-là, tout semble exactement à sa place. Et il est à nouveau convaincu qu'il n'y aura jamais que lui.

Maxence lève les yeux par dessus l'épaule de Lucas, qu'il serre contre lui. Elle danse avec un garçon, quelques mètres plus loin. Il a la tête plongé dans son cou et elle se mouve contre lui. Elle ouvre les yeux, l'aperçoit, lui sourit. Lorsqu'elle en a assez, elle s'éloigne sans prévenir vers une fille, renouvelle l'opération et l'embrasse. Maxence repense à ce jour, dans le bureau, au neuvième étage. La première fois qu'il l'a vu. Dans son short vintage et sa marinière, son foulard en guise de ceinture. Son petit sac à dos bleu sur le dos, son badge autour du cou. Elle cherchait la scénariste, scrutait des yeux chaque porte. Il l'avait regardé longuement, et leur contact avait duré bien après qu'il l'ai dépassé. Chacun fixant l'autre par dessus leur épaule.

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