Chapitre 15 (3) - My fair lady

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            Dans le splendide salon privé des Carroll, dans leur maison située en plein cœur du très chic quartier de Mayfair, installé confortablement dans un fauteuil Voltaire, Bryan lisait un ouvrage de géographie pour tenter de dissiper l'ennui qui venait le cueillir au beau milieu de la nuit. À ses côtés, savourant un verre de brandy excessivement cher entre deux coups de pinceau, Siobhan se sentait l'âme d'un Botticelli en herbe et peignait quelque chose qui ressemblait de près comme de loin à un paysage. Bien qu'il n'ait aucun talent pour la peinture, le cousin de Bryan tentait de soigner ses insomnies de la sorte, une lubie passagère disait-on, espérons qu'il ne songe pas sérieusement à ouvrir un atelier.

Bryan leva les yeux vers la comtoise en bois de cerisier, elle indiquait une heure du matin passée.

- Que peins-tu ? s'enquit-il auprès de son cousin.

- Cela ne se voit pas ? C'est la campagne française allons, répondit ce dernier comme si cela relevait de l'évidence même.

- Ah. Toutes mes excuses je ne l'avais pas remarqué, dit Bryan dubitatif.

- C'est que tu manques cruellement de sensibilité. Remarque je ne t'en veux pas. Rare sont les individus capables de se targuer d'être des génies incompris.

- Incompris, c'est bien le mot... marmonna Bryan.

Il aurait dû s'offusquer plus d'une fois du franc-parler de Siobhan, mais il savait depuis longtemps que déguiser ses pensées n'étaient dans les habitudes du jeune homme qui prenait un malin plaisir à tourner en ridicule tout le monde. Jusqu'au jour où son tour viendrait, et Bryan espérait être là pour le voir.

- Tu devrais peut-être prendre un livre. Il paraît que c'est très efficace pour trouver le sommeil, suggéra Bryan.

- Si tu t'endors un livre entre les mains, alors c'est que ce n'est pas un bon livre. Pour ma part je ne lis que des bons livres. J'ai horreur de perdre mon temps avec des ouvrages mièvres et sans saveur. Tu devrais essayer, c'est relativement édifiant.

Bryan s'apprêtait à répliquer quand des bruits de pas se firent entendre dans le couloir. Le jeune homme leva le nez de son ouvrage et tendit l'oreille, Siobhan fit de même. Ce ne pouvait pas être les domestiques, toute la maisonnée était endormie depuis trois bonnes heures déjà. Bryan et Siobhan échangèrent un regard avant de se précipiter discrètement vers la porte fermée du petit salon, ils l'entrebâillèrent en hâte juste à temps pour voir Nick Carroll, vêtu de pied en cap pour une expédition nocturne, s'éclipser au détour du couloir.

- Ça par exemple ! lâcha Siobhan en se redressant.

- Oui, on dirait bien que nous ne sommes pas les seuls à ne pas trouver le sommeil, affirma Bryan en fronçant les sourcils après avoir refermé la porte.

- Si tu veux mon avis, je pense que ce cher Nicky n'a jamais eu l'occasion de se rendre en cachette aux cuisines afin de prendre un petit verre de lait qui pourrait l'aider à s'endormir.

Bryan s'adossa à la porte, pinçant les lèvres, son cerveau empêtré dans des tribulations en tout genre.

- Je savais depuis un moment que Nick quittait la maison en pleine nuit...

- S'échapper est un mot qui conviendrait mieux je crois, et ce n'est certainement pas pour se rendre à son club de théâtre, railla Siobhan l'air narquois.

- Ce n'est pas drôle Siobhan ! Je suis réellement inquiet. Depuis quelques temps Nick est... différent. Il fait n'importe quoi, il a la tête ailleurs... J'ai peur qu'il n'ait des ennuis.

Les Chroniques Infernales - Le Prince des AbîmesWhere stories live. Discover now