Chapitre 6

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Je pense que je ne m'étais pas rendue compte de ce qu'être sélectionnée signifiait. Ma popularité avait grimpé en flèche dans tout l'établissement. Des gens que je ne connaissais même pas venaient me dire bonjour. Je sentais même un traitement de faveur de la part des professeurs. Pourtant les résultats du concours n'avaient pas encore été annoncés officiellement. Ce fut ce soir-là que je peux le dire ma vie bascula. Mon père alluma la tablette pour le flash info si attendu. Nous nous regroupâmes autour de lui. Le symbole du système arachnide, une toile d'araignée en feu s'afficha. Puis l'image du palais de l'Elysée apparu. La caméra zooma sur les personnages au centre. Aldrick, comme lors du précédent flash s'adressa à la population d'une voix assurée :

-Chers français, chères françaises la date du concours se rapproche. Vous devez être tous impatients de découvrir les 40 candidats sélectionnés. Cela va venir. Je voudrais vous annoncer l'aboutissement d'un grand projet. Le concours se divisera en deux parties, deux jeux si l'on peut appeler ça comme ça, dit-il avec un regard presque sadique. Mais avant cela chers concitoyens, un dernier test, une dernière sélection s'impose pour définir les 20 candidats officiels du concours. Et c'est à partir de ce moment que le projet en question commence. Des paris seront ouverts.

Mon père s'indigna en ouvrant de grands yeux :

- Il n'oserait pas.

Aldrick continua :

-Chaque citoyen de notre pays sera en mesure de parier pour un des 40 candidats, celui qu'il pense être le gagnant de l'épreuve. Si le pari est gagné une énorme somme d'argent pourrait vous revenir. Mais passons à la liste des 40 élèves sélectionnés avec soin par le colonel Lanster.

Alors c'était lui qui m'avait sélectionné, pensai-je. L'idée qu'il avait pu assister au test souleva en moi un sentiment d'antipathie. Un portrait s'afficha à l'écran.

« Karl Bechin » annonça une voix.

C'était un garçon de mon âge, grand et fort. Puis les sélectionnés se succédèrent, tous entre 16 et 18 ans.

« Elea Vinot » dit soudain la voix.

Étrangement le fait d'entendre mon nom me surpris. J'avalai ma salive. Mon portrait occupait l'écran de la tablette. Mes cheveux bruns en bataille encadraient mon visage allongé. Mes yeux brun foncé soulignaient la pâleur de ma peau qui mettait en avant ma cicatrice. Ce qui me donnait un air sévère malgré moi. Puis le portrait disparu. Mes sœurs ne rigolaient plus. Elles avaient compris que le concours n'était pas sans danger et que c'était une manipulation où j'allais jouer l'un des rôles phares malgré moi. L'air était saturé d'une tension palpable. Ni mes parents, ni mes sœurs ne parlaient. Le colonel déclara :

- Dès demain matin vous recevrez un papier où figureront plus de détails sur les sélectionnés. Vous pourrez ensuite voter et miser sur le gagnant en envoyant le code correspondant au candidat sur notre réseau national du système arachnide.

Le réseau en question renfermait toute l'économie de France, une base géante de chiffres et d'informations. Un site internet correspondant était libre d'accès à tous. Il était impossible à pirater. Une page spéciale avait été créée en l'honneur du concours et des paris. Mon père était horrifié quant à l'idée des paris et s'écria que c'était un moyen pour le système de s'empocher de l'argent.

Le colonel continua :

-Le dernier test s'effectuera dans une arène. Les places sont déjà en vente aux enchères. Le but sera dévoilé la veille aux jeunes adolescents.

J'aurais juré qu'il venait de faire un clin d'œil.

-Sur ce...

Il n'acheva pas sa phrase. On avait l'impression qu'une personne lui parlait dans une oreillette. Son visage se durcit.

-Je crois que nous allons devoir avancer la date du test. Des familles de sélectionnés ont été agressées chez elle. On me transmet que dès demain matin des officiers viendront se saisir des sélectionnés.

Ma mère pâlit ainsi que moi même. Le flash s'interrompit subitement. Mes sœurs me fixèrent et Chloé se jeta dans mes bras en pleurant.

-Tu vas partir ? murmura-elle entre deux pleurs.

-La porte est bien fermée à clé ? demanda ma mère blême.

-Je vais vérifier, répondit mon père.

Demain. Je pars demain, pensais-je. En voyant mes sœurs pleurer je ne pus retenir mes larmes. Mam avait dit que je devais réussir le concours seulement si j'étais sélectionnée. Alors je n'allais pas l'être. Je répondis à mes sœurs qui se blottissaient contre moi :

-Oui je pars mais je reviendrai. Je ne serai pas sélectionnée, je ferais tout contre.

Cette nuit-là je ne réussis pas à m'endormir. J'avais peur je dois l'avouer. Je ne savais pas à quoi m'attendre. J'avais plus de 30 appels en absence, on me harcelait sur les réseaux sociaux, pas dans le mauvais sens du terme mais je ne voulais pas répondre. J'appelai juste Alixe, j'avais besoin de l'entendre parler, de voir sa vision des choses. Hélas pour l'instant elle ne saisissait pas la gravité du concours, comme tout le monde. Je serrais dans ma main le pendentif en pierre de lune que Mam m'avait donné. Où cela me mènera-t-il ? J'avais préparé une sacoche avec ce que je pensais m'être indispensable. Si j'étais sélectionnée je ne retournerais pas à la maison avant un bon bout de temps, peut-être pour toujours. J'avais pris un canif, de l'eau, mon téléphone, mes écouteurs, des photos de ma famille. Et mince j'avais oublié ma médaille. Elle était toujours sur ma table de nuit. Je m'en saisi. Elle comptait beaucoup pour moi. J'ai toujours cru en Dieu, en une force supérieure qui nous guide comme une bonne étoile. Comme si les anciens de notre famille étaient toujours là et veillaient sur nous depuis le ciel. Enfin je sentis la fatigue m'envelopper et je sombrai dans un sommeil sans rêve.

Ma Pierre de luneWhere stories live. Discover now