Chapitre 26

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C'est alors que le sol se remit à trembler. Plus intensément cette fois. 

Antonin colla son oreille au sol. 

-C'est comme si un troupeau avançait...

Nous nous étions tous figés, les sens en alerte. Un silence inquiétant régnait. Un bruit strident s'éleva, semblable à des dizaines de hurlements venant contraster avec le calme des arbres immobiles. Ce n'était pas des cris humains, ils étaient bestiaux. Je repris mes esprits rapidement. Que fallait-il faire ? On avait trop tardé à partir. Il fallait fuir.

-Maé conduis-nous au passage pour traverser, vite ! Suivez-la ! je criai.

Tous se ruèrent vers Maé qui se mit à courir. Mino passa devant moi :

-Mais qu'est-ce que c'est que ce tumulte ?

Il partit en courant me criant de me dépêcher. Je restais là à fixer la lisière de la forêt. Puis soudain je vis une masse noire se déplacer dans les arbres. Je commençai à marcher à reculons. Elle sauta à terre. Je retins un cri. Un énorme singe, plus gros qu'un gorille reniflait le sol. Ses membres se déplaçaient de façon mécanique en tremblant presque. Il n'était pas normal. Il se mit à gratter la terre. Puis comme s'il remarquait enfin ma présence, il leva son regard vers moi. Des yeux rouges dénudés de toute raison me fixèrent. C'en était terrifiant. Je me mis à courir cette fois toujours à reculons. Puis c'est alors que je remarquai les dizaines d'autres singes remuant dans les arbres. Je me retournai et piquai un sprint pour de bon. Dans ma poche de blouson je m'emparai d'un canif. Je rejoignis les autres les pressant comme je pouvais. Nous étions arrivés à une partie un peu plus calme du ruisseau qui était pourtant dangereuse à traverser. Arthur m'indiqua que le passage était encore à une cinquantaine de mètres. Soudain j'entendis un cri plus strident que les autres, et je sus parfaitement ce qu'il signifiait. Ils avaient lancé l'attaque. Puis ils apparurent, grands, terrifiants. J'entendis des cris de stupeur. Ils nous encerclèrent nous bloquant contre la rive. Immédiatement nous formèrent une barrière protégeant les plus petits. Arellys était à ma droite. Kenzo à ma gauche. Il tremblait moi non. Je pensais au flingue dans ma poche. Non je ne l'utiliserais pas, pas maintenant. Puis tout se passa très vite, le singe que j'avais vu à terre s'approcha et Antonin lança une lance dans sa direction et le manqua. Un nouveau cri puis ils se jetèrent tous sur nous. Je crois qu'au même moment Célia ordonna aux autres de sauter dans l'eau. Je faisais face aux singes deux couteaux à la main. Je savais où placer mes coups. À la tête, à la gorge, la poitrine m'étant inaccessible avec toute cette fourrure. Le premier que j'abattis s'étala par terre avec un râle d'agonie. J'esquivai la morsure du deuxième et je lui plantai le poignard entre les deux yeux. J'aperçus un mouvement derrière moi, ils étaient tous à l'eau. Le courant était trop fort. Ils dérivaient. Puis soudain un singe me planta ses griffes dans le bras, dérapant contre ma peau. Je poussai un cri de douleur et de rage. Puis une flèche lui transperça le crâne, Antonin. Ma tête me tourna soudain. Je sautai à l'eau avec les derniers restés au bord de la rive. Je brassai l'eau pour maintenir ma tête hors du torrent. Je pensais soudain à Manon avec sa jambe cassée, elle n'y arrivera pas seule. Je scrutai autour de moi. Tous peinaient à se maintenir hors de la rivière. Je m'emparai d'un garçon d'une dizaine d'années à côté de moi, qui faillit couler à plusieurs reprises. Il s'accrocha à moi comme une bouée de sauvetage. Je vis les singes s'éloigner peu à peu. Je tentai de me diriger vers la rive opposée comme je pouvais. Je crois que plusieurs l'avaient atteinte. Mes muscles fatiguaient. J'avais de plus en plus de mal. Je me sentais si impuissante. C'est alors que des bras forts et musclés me tirèrent par le bras. Mino.

-Lâche le ! cria-t-il.

-Non !

Soudain le courant s'apaisa miraculeusement et à nous deux nous réussîmes à gagner la rive avec le garçon. Nous nous étendîmes sur une plage se trouvant là. Je me relevai inspectant les griffures qui zébraient mon bras. J'avais horriblement mal.

-Mais t'es folle t'allais te noyer avec ce môme ! Tu te rends pas compte !

-Je ne pouvais pas le laisser comme ça !

Mino secoua vigoureusement la tête. Tous les autres étaient avec nous sur cette plage, sonnés par ce qui venait de se passer. Ceux qui avait réussi à atteindre la rive un peu plus haut nous rejoignîmes en courant notamment Célia et Kenzo.

-Il en manque 3 ! cria Célia !

Je regardai autour de moi, Manon n'était pas là. Je serrai les poings. Célia s'approcha de moi, me poussant à moitié.

-C'est ta faute ça ! On n'aurait jamais dû t'écouter. Tu vois où ça nous a mené. T'as peut-être l'esprit de leader mais tu ne sais pas aller de l'avant. Si on veut survivre c'est chacun pour soi. Les plus forts survivent. On n'attend pas ceux qui sont à la traîne.

J'étais abasourdie. J'aurai bien pu lui asséner une droite à ce moment. Je me retins. C'est vrai j'avais merdé. Ok. J'avais ces morts sur la conscience. Ma mâchoire se contracta. Tous me regardaient avec des airs de reproches. Je passai ma main dans mes cheveux. Elle avait raison.

Je pris une profonde inspiration, tous regardaient si j'allais me dégonfler. Puis je m'écriai :

-Oui t'as raison, c'est ma faute. On n'aurait jamais dû attendre si longtemps. Mais maintenant on va y arriver. Il nous reste près de 242 km à parcourir vers le nord. On y arrivera à ce point final, à cette porte.

Mon chrono affichait 6 jours 2h. Trop de temps s'était écoulé.

-Que ceux qui veulent me suivent, on se dirige vers le nord et on s'arrêtera que lorsqu'on arrivera plus à mettre un pied devant l'autre. On ne s'arrête pas de courir.

Le garçon que j'avais soigné de la noyade était étendu par terre, il leva un bras vers moi. Je lui tournai le dos. Il fallait que je le fasse. Je me mis à trottiner vers la lisière. Arellys, Antonin, Mino me rejoignirent suivi de Maé et Arthur.

Célia me fixait toujours et finit par dire :

-Très bien tu as fait ton choix. Les autres suivez-moi.

Kenzo, Baptiste, une fille nommée Amandine et les jumelles la suivirent. Je fixai les quatre candidats restés à terre. Une fille pleurait. Alors que Célia et son groupe s'éloignait je m'approchai d'elle. Je sortis mon poignard, souillé de sang. Je l'essuyai contre mon pantalon. Je m'accroupis. La jeune fille arrêta de respirer et me scruta de ses yeux implorants. D'un coup je défis son pendentif qui indiquait le numéro 16. Je l'attachais autour de mon coup et je fis de même avec les trois autres. Lorsque je rejoignis les autres ils me dévisagèrent avec respect. Mino s'approcha et banda mon bras en sang à l'endroit de la griffure. Je hochai la tête en signe de remerciement et nous nous mîmes à courir vers la forêt. 

Ma Pierre de luneWhere stories live. Discover now