Luna

E

Un jour, Luna n'était plus venue. Je ne l'avais pas vu depuis plus d'une semaine, et je commençais à m'inquiéter. Elle n'était jamais venue chez moi, et je n'étais jamais allé chez elle. Une fois, une seule, j'avais eu droit de l'accompagner au coin de sa rue. Elle m'avait demandé de l'attendre, parce qu'elle avait oublié un cahier et qu'elle tenait à le reprendre avant les cours de l'après-midi. Elle était revenue en courant au bout de quelques minutes, les mains vides, et m'avait sauté au cou en me serrant très fort contre elle. Je n'en n'avais pas vraiment eu conscience ce jour-là, mais je crois que son sourire s'était encore agrandi.

Plus Luna était malheureuse, plus elle souriait.

Alors quand au bout de deux semaines, je n'avais pas eu signe de vie, je m'étais rendu devant sa porte, et avant même de réaliser, j'avais toqué. Un homme, que j'ai supposé être son père, m'a ouvert la porte. Il était grand, dans la cinquantaine peut-être. Son regard m'avait frappé. Si Luna était une étincelle de vie, cet homme m'avait semblé mort de l'intérieur. J'avais frissonné, avant d'annoncer que je cherchais Luna. Il avait haussé un sourcil, puis refermé la porte. Quelques minutes plus tard, mon amie en était ressortie, vêtue de noir seulement. C'est à ce seul moment que je me suis rendu compte de l'étendue de son malheur, lorsqu'elle m'avait étreint encore, avec l'énergie du désespoir en enfouissant son visage dans mon cou. Je sentais ses larmes et je me sentais si désemparé devant sa détresse.

- J'essaie vraiment, m'avait-elle murmuré, j'essaie mais je n'y arrive plus. C'est trop dur.