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Nous étions partis nous promener, rien que nous deux, comme ça avait toujours été et comme ça le sera à jamais.

Sur le bord du canal, on avait suivi le petit chemin. Le bout des branches des saules pleureurs se lamentaient en trempant leurs feuilles dans l'eau claire. Luna avait attrapé ma main et la serrait très fort, comme pour ne jamais la lâcher. Ça ne me déplaisait pas.
Ce jour-là, elle avait quinze ans, et moi treize seulement. J'étais pourtant plus grand, et déjà un peu plus costaud que l'enfant maigrichon et pâle que j'incarnais autrefois. La fille pétillante que j'avais connu ne semblait plus vraiment être là. Son regard se perdait dans un horizon où je ne pouvais pas la rejoindre.

Je crois que c'est à ce moment que je compris encore une chose. La vie de Luna était triste, mais elle avait envie d'être joyeuse. De répandre le bonheur autour d'elle, parce que c'était ainsi qu'elle se sentait vivre. Ce contraste, ce tourbillon d'émotions contradictoires qui s'agitait constamment en elle la rendait vide. C'était si paradoxal que je me demande encore aujourd'hui comment c'était seulement possible.

Puis, elle m'avait ramené à la réalité en s'arrêtant. Elle m'avait lâché la main, et en tremblotant, elle avait relevé la manche de son pull. C'était la première et dernière fois que j'apercevais la myriade de bleus qui ornaient sa peau blanche. C'était l'unique appel à l'aide qu'elle m'avait adressé.

Après cela, tout avait dérapé.

LunaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant