1-Te parler?

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Jeudi, Starbucks de Cambridge, Massachusetts.

J'ai siroté mon cappuccino en regardant les gens s'activer autour de moi.Certains faisaient la queue, trépignant parfois d'impatience. D'autres étaient tranquillement installés sur les fauteuils. Les employés se démenaient pour servir au plus vite les clients et moi,j'observais.

Mes doigts avaient arrêté de s'activer sur le clavier de mon ordinateur depuis qu'elle était rentrée. Je l'observais elle, cette jolie américaine au doux sourire sur les lèvres et aux yeux dans le vague avec ses écouteurs vissés aux oreilles. Je ne venais dans ce Starbucks à proximité de Harvard que pour elle et ses beaux yeux vairons, un bleu et un vert. Je ne connaissais pas son nom, je n'avais jamais osé aller lui demander. Je passais mon temps à la regarder, la détailler. Ses longs cheveux bruns parsemés de mèches couleur caramel, son nez légèrement retroussé et ses infimes tâches de rousseur et cicatrices d'acné. Ses lèvres colorées d'un rose pâle, souvent remontées en un sourire rêveur. Elle avait des jambes interminables qui aujourd'hui étaient serrées dans un jean. Elle avait des baskets en toile blanche et une peau claire mais mate. Elle devait venir de Floride, des plages du Sud.

Elle s'est approchée du comptoir et a commandé un café Mocha,le même que d'habitude. Avec beaucoup de crème.

Je devais avoir l'air d'une psychopathe à venir m'installer chaque lundi, mardi, jeudi et vendredi soir à ce même Starbucks pour voir une unique personne.Mais c'était devenu une routine à laquelle je m'étais attachée.J'aimais voir cette inconnue qui étudiait sûrement à Harvard, même pour quelques minutes ou quelques secondes. Lui imaginer une vie, des amis, une famille. Juste la regarder, sans un mot, toujours à la même table, à la même heure. Pour le simple plaisir de mes yeux.

Les doigts manucurés de mon inconnue ont tapoté le comptoir tandis que ses yeux tourmentés et intelligents parcouraient la salle. Son regard s'est crocheté au mien pendant une fraction de secondes. Fraction de secondes durant laquelle mon cœur a cessé de battre. Ma bouche est restée grande ouverte tandis que ma jolie brune me dévisageait avec surprise.L'instant magique a brutalement été rompu par l'arrivée de Raph. Raph, c'était ma Raphaëlle aux cheveux blonds vénitien et aux jolies fossettes. C'était mon rayon de soleil, ma boule d'énergie positive et ma plus précieuse amie.

-Hey, baby !M'a-t-elle lancée en pénétrant dans le café.

Plusieurs personnes se sont retournées. Mon inconnue aussi. En plus d'être extrêmement séduisante, Raphaëlle était sans gêne. Elle m'a collée un rapide baiser sur le front, une de ses habitudes favorites, puis s'est installée face à moi en m'observant des ses yeux noisettes.

Raphaëlle était canadienne.Elle venait de Montréal et parlait donc français. Je l'avais rencontrée exactement huit ans auparavant, pendant des vacances à l'étranger. Le courant était immédiatement passé et j'avais passé des vacances fantastiques. Puis j'étais repartie à Toronto puis à Paris et elle à Montréal, rompant ainsi le contact. Et c'était sept ans après que je l'avais retrouvée, installée dans la chambre du campus de l'université dans laquelle j'allais dorénavant étudier et elle aussi. Elle était ma colocataire attitrée. Le hasard avait bienfait les choses. Raphaëlle était devenue ma meilleure amie, ma complice.

J'ai souri. La voir me faisait toujours sourire.

-Salut, ai-je finalement répondu en français.

Elle s'est emparée de la carte proposant les boissons puis a jeté un coup d'œil au comptoir. J'ai vu un sourire énorme illuminer son visage, puis elles'est tournée vers moi avec une lueur étrange dans les yeux.

-C'est elle, pas vrai ?A-t-elle chuchoté.

Mes yeux se sont reportés sur mon inconnue. Mon regard a percuté des yeux vairons remplis de curiosité. J'ai gratté la surface lisse de la table en fixant les tâches de rousseur de Raphaëlle.

Un café à CambridgeWhere stories live. Discover now