8-Pardonnes-moi

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Dimanche soir, Boston.

Des bulles se sont échappées de mon nez quand j'ai soufflé. J'ai ouvert les yeux, assez pour voir plusieurs paires de jambes floues. J'ai de nouveau fermé les yeux puis je suis remontée. J'ai troué la surface de l'eau et des cris sont parvenus jusqu'à mes oreilles mises à rude épreuve. La musique était forte, les basses semblaient faire vibrer les vitres autour de la piscine.

Nous étions, Raphaëlle et moi, à une soirée étudiante organisée chez un bostonnais de Harvard. Il était le coloc d'un étudiant de notre université internationale, Ethan, qui craquait sur Raphaëlle et il s'était empressé de nous inviter. J'avais montré peu d'enthousiasme, je n'aimais pas trop les soirées. Néanmoins, ma meilleure amie avait tellement insisté que j'avais fini par céder. Je ne lui refusais jamais rien.

Voilà comment je me suis retrouvée dans une piscine à l'intérieur d'une maison, le sang noyé dans de l'alcool fort et la tête embrumée. La musique me vrillait les tempes et l'alcool m'empêchait de rester lucide. Je flottais à la surface de l'eau en contemplant fixement le plafond.Les autres fêtards hurlaient dans tous les sens, sautaient dans l'eau, se saoulaient comme jamais.

-Hé !

Je n'ai pas réagi. Des doigts se sont entrelacés aux miens et j'ai enfin détourné les yeux du plafond. Raphaëlle, de l'eau jusqu'à la taille dans son maillot de bain bleu foncé, séduisante comme toujours. Ses cheveux étaient plaqués sur son visage et ses sourcils étaient froncés en une moue inquiète. Adorable.

-Lieke, tout va bien ?

Je lui ai sourie, d'un sourire tordu de personne ivre. J'ai ouvert la bouche et ai dû me reprendre à plusieurs fois pour arriver à aligner trois mots.

-Je vais bien.

-Vraiment ? Tu as l'air... pensive.

Mes yeux ont détaillé chacune de ses taches de rousseur. Ma tête a basculé sur son épaule et elle m'a serrée fort contre elle. Je me suis accrochée désespérément à son dos comme à un rocher. J'avais un coup de spleen. J'étais morose, comme à chaque fois que je restais sans voir Dara pendant plus de deux jours.

-Je suis une mauvaise amie, ai-je gémi. Tu es toujours là pour moi mais je ne fais jamais rien en échange...

Pitoyable. Pathétique. Je n'arrivais pas à retenir le flot de paroles sans queue ni tête qui s'échappait de ma bouche. Heureusement, Raphaëlle s'est montrée compréhensive.

-Viens avec moi, m'a-t-elle dit avec un soupir. Tu vas rester près de moi pendant la soirée, comme ça je pourrais te surveiller un peu. De toute façon, tu auras oublié tout ce que tu viens de dire demain.

-Raphaëlle ?

-Oui ?

-Merci.

J'ai vu un sourire se dessiner sur ses lèvres, malgré le fait que je la voyais déjà en double.Elle a attrapé mon visage entre ses mains pour coller son front au mien.

-Je t'aime beaucoup Lieke, n'oublie pas ça.

Elle m'a déposée un léger baiser sur le front, puis je me suis laissée entraînée hors de la piscine. J'ai titubé sur le carrelage glissant avec mes vêtements mouillés tandis que Raphaëlle fendait la foule de danseurs avec aisance. Nous sommes arrivées près du bar et je me suis servie un verre de vodka. Alors que j'étais partie pour le vider cul-sec, mon amie me l'a retiré des mains et m'a poussée sur un transat. Elle avait l'air d'une mère qui gronde son enfant.

-L'alcool, s'est fini pour aujourd'hui, m'a-t-elle réprimandée.

J'ai éclaté de rire et suis restée sur le transat pour me sécher, incapable de me relever. J'étais dans un état second. Raphaëlle s'est éclipsée, me laissant seule échouée sur mon transat. Alors que je commençais à piquer du nez, une voix m'a sortie de ma somnolence.

Un café à CambridgeWhere stories live. Discover now