6-Ton Noël

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Jeudi, Day after Christmas, trois semaines plus tard.

Le cœur battant, j'ai ouvert la porte du Starbucks. La neige avait envahi le Massachusetts depuis déjà plusieurs semaines. Des enfants et adolescents se jetaient des boules de neige dans les rues de Cambridge, l'atmosphère était joviale, détendue. Bref, une atmosphère de Noël.

J'avais fêté Noël la veille avec Raphaëlle et plusieurs étudiants, notamment avec l'allemand, Söen, qui avait tapé dans l'œil de mon amie, Thomas Jefferson et quelques autres élèves. J'avais bien ri, beaucoup bu et avait pensé à Dara. Elle était rentrée en Floride pour aller fêter Noël avec sa famille, vers Miami.

Depuis quelques jours, ma correspondance avec Dara s'était intensifiée. Elle me racontait sa vie, son enfance, ses voyages. Je faisais tout mon possible pour qu'elle soit à l'aise à travers des mots. Je continuais mes poèmes,elle m'avait dit qu'elle les aimait énormément.

Malgré le temps qui passait,je m'attachais de plus en plus à ma jolie brune. Au lieu d'être lassée ou ennuyée, je ne faisais que l'aimer encore plus fort. Elle me passionnait, m'inspirait. Elle faisait partie de moi d'une manière que je n'arrivais pas à comprendre et qui me terrorisais, parfois. Dara était devenue une drogue et j'en étais terriblement dépendante.

J'ai salué Emma, derrière le comptoir, en lui souhaitant un joyeux Noël. Je lui ai offert mon cadeau, un petit recueil de poème que j'affectionnais beaucoup.Elle s'était découverte une passion pour les textes des poètes français et j'adorais lui en faire découvrir à chaque fois que je venais la voir au Starbucks.

Je lui ai tendue un petit paquet qu'elle a attrapé avec des yeux ronds.

-Qu'est-ce que c'est ? Un autre cadeau pour moi?

-C'est pour Dara, ai-je répondu, gênée.

Emma savait évidemment le nom de ma jolie brune. Elle m'a adressée un gigantesque sourire en me poussant légèrement l'épaule.

-C'est vraiment trop mignon ! S'est-elle exclamée. Elle ne t'a toujours pas démasquée ?

-Non...

-Et c'est quoi ? M'a-t-elle de nouveau questionnée.

-Des boucles d'oreille et un livre, ai-je soufflé en me frottant la nuque.

-C'est tout simplement adorable, m'a-t-elle répondue en détachant avec soin les syllabes. Si seulement mon copain était comme toi...

J'ai éclaté de rire et lui ai tendue mon paquet en la remerciant chaleureusement. Emma en avait déjà tant fait pour moi.

-Je ne serais pas là la semaine prochaine, m'a-t-elle dit. Je prends quelques vacances.

-Pas de soucis, tu le mérites amplement.

-J'ai prévu une collègue de confiance, Summer. Elle s'occupera de tes messages pendant mon absence.

Elle m'a adressée un petit clin d'œil puis elle est allée servir un autre client. J'en ai profité pour aller m'asseoir à une banquette. J'ai appuyé mon front contre la fenêtre pour regarder dehors. Les rues étaient enneigées, les gens semblaient heureux. Les rires fusaient autour de moi.

J'ai sorti un livre puis me suis plongée dans ma lecture. Sans m'en rendre compte, le temps s'est écoulé drôlement vite, tant j'étais absorbée. C'était une histoire d'amour derrière une enquête avec mots délicats qui m'ont touchée au cœur, écrite en français par Michel Bussi. Une larme solitaire est venue rouler sur ma joue alors que j'avais terminé la dernière phrase de mon ouvrage.

En relevant les yeux, j'ai croisé un œil vert et un autre bleu qui me fixaient avec attention. Je me suis pétrifiée en reconnaissant le regard vairon et hypnotisant de ma Dara, aussi belle que depuis la dernière fois que je l'avais vue. Elle semblait plus apaisée qu'avant son départ pour la Floride.

J'ai baissé les yeux et fermé mon livre pendant que ma jolie brune se dirigeait vers le comptoir. Lorsque Emma lui a tendue mon paquet, j'étais déjà à l'extérieur,le nez collé à la vitrine du Starbucks. J'ai pu voir le sourire éclatant de Dara, puis ses yeux émerveillés quand elle a déchiré l'emballage de mon cadeau. Quand ses doigts ont joué avec les boucles d'oreille puis qu'elle les a accrochées à ses oreilles. Quand elle a feuilleté avec délicatesse les pages de mon livre,puis quand elle est tombée sur le mot que j'avais écrit, à la première page. Je l'ai observée rire, puis regarder autour d'elle en se mordant la lèvre.

J'étais sous le charme.

-Fais attention, tu baves mon cœur.

Je me suis retournée brusquement, pour voir Raphaëlle me dévisager avec un regard narquois. J'ai senti mes joues virer au cramoisi et je me suis vivement écartée de la vitre en me cachant le visage derrière les mains.

-Awww, ai-je gémi. Qu'est-ce que tu fais là, Raph ?

-Je suis venue te rejoindre,mais apparemment, tu n'as pas besoin de mon aide pour te rincer l'œil, a-t-elle ricané en jetant un coup d'œil à Dara.

J'ai secoué la tête et mon regard est revenu sur Dara, dans le café. Alors que j'étais de nouveau absorbée par ses traits et ses courbes, j'ai senti un projectile me percuter violemment la tête. Surprise, j'ai porté ma main à mes cheveux et mes doigts ont rencontré de la neige.Glaciale. J'ai fait volte-face en direction de Raphaëlle, qui paraissait me narguer avec sa posture désinvolte et ses boules de neige.

Je me suis accroupie au sol et ai ramassé une grosse poignée de neige. Je l'ai roulée pour en faire une boule compacte puis j'ai lancé un regard de tueur à mon amie.

-Tu es une femme morte, ai-je sifflé avant de lui foncer dessus.

Elle est partie en courant,s'esclaffant comme une enfant. Je l'ai poursuivie jusqu'à ce qu'elle butte contre un amas de ne neige et qu'elle glisse sur le derrière.J'ai éclaté de rire avant de l'allonger complètement par terre et de me positionner à califourchon sur son ventre. Mes doigts sont passés sous son manteau et j'ai appuyé sur ses côtes. Raphaëlle a émis un hoquet de terreur tandis que ses yeux s'écarquillaient.

-Non ! A-t-elle eu le temps de crier. Je t'en supplies !

Sans aucune pitié, je l'ai chatouillée. Elle riait, allongée sur la neige au milieu de la rue.Elle a gigoté dans tous les sens pour tenter de se libérer de mon poids, mais j'étais une ancienne boxeuse, je savais maîtriser mon adversaire. Quand des larmes de rire lui sont montées aux yeux, j'ai cessé ma torture et me suis relevée. Alors qu'elle tentait toujours de reprendre son souffle, je lui ai écrasée ma boule de neige sur le visage. Raphaëlle a glapi tandis que je riais, debout à côté d'elle.

-Traîtresse ! A-t-elle gémi. Je ne méritais pas tout ça, c'est de la triche, Lieke !

Je lui ai tendue la main pour l'aider à se relever et elle s'en ai emparé non sans me bousculer au passage. En relevant les yeux, j'ai croisé des yeux vairons. Dara était stoppée en plein milieu de la route, l'air partagé. Je me suis figée. Raphaëlle avait crié mon nom. Est-ce que Dara l'avait entendu ?

Finalement, elle a secoué la tête puis traversé la rue d'un pas rapide. J'ai senti mon cœur reprendre un rythme normal. Je me suis tournée vers Raphaëlle qui a levé les yeux au ciel.

-Il va bien falloir qu'elle te rencontre un jour, non ? A-t-elle maugréé. C'est bien gentil une correspondance et des cadeaux, mais au bout d'un moment, il faut du contact, du vrai contact physique.

Je savais qu'elle avait terriblement raison. Je savais que Dara insisterait un jour ou l'autre pour me rencontrer. Je savais aussi que je ne résisterais pas éternellement à son odeur entêtante et à ses lèvres.

Simplement, je n'étais pas encore prête.



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