Chapitre Seize

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La vie n'est qu'une pute.

C'est ce que je pense en me préparant en cinquième vitesse. Comment s'habiller et se maquiller quand on est en nage ? J'ai l'impression de faire n'importe quoi et me peindre le visage à la Picasso. Même le Clown de Ça est mieux maquillé que moi !

En sortant du Uber, j'ai les mains moites et tripote nerveusement ma robe beige claire. Je pivote un peu les chevilles pour m'habituer aux escarpins plutôt montants.

La rue est animée à cette heure-ci, illuminée par les devantures des bars et leurs néons géants. Les passants sont habillés de façon chic et décontractée. Décidément, je me sens en marge sur ce trottoir et contemple les lampadaires histoire de faire quelque chose.

Une berline noire se gare juste à mes côtés, mon rythme cardiaque s'accélère.

La portière s'ouvre et mon boss en sort, vêtu d'un simple t-shirt blanc et d'un short en jean bleu clair s'arrêtant aux genoux révélant un tatouage sur le mollet droit. Un serpent enroulé autour d'un axe de planètes. Mes yeux font un scanner tête aux pieds et se fixent sur ses sneakers avant de remonter sur son visage, furibonds.

— Vous avez dit que c'était un rendez-vous professionnel. Vous êtes venu avec un look d'homme de mer !

Noé sourit de toutes ses dents.

— Homme libre, toujours tu chériras la mer !

Il m'a cité du Baudelaire ?

Il s'essuie le nez de la main avant de me faire signe de le suivre.

— Allez ma godiche, le bar se trouve plus loin.

À contrecœur, je le suis tandis qu'il fait le guide avec entrain.

— Acheminement entre boulevard de la vierge et rue puceau, nous pénétrons dans la grande rue des pécheurs et...Nous y sommes !s'exclame-t-il avant de me glisser un sourire diabolique. Voyons voir si on peut te trouver des vices...

Le sol en damier et la luminosité d'un orange crépusculaire, il y a foule à l'extérieur et à l'intérieur. Les videurs à l'entrée nous ont laissé passer et nous avons laissé nos vestes et mon sac à main à l'accueil.

Nous commandons des boissons, un Sex on the beach pour moi et lui un Virgin mojito. Au moment de payer, je réalise que j'ai laissé mon portefeuille dans mon sac. Noé sort le sien.

— Laisse, j'invite.

J'hésite, suspicieuse.

— J'espère bien pour vous que ça ne sort pas des dépenses de la boîte mais directement de votre poche...

— Tu es toujours aussi rabat-joie comme femme ? Ça doit être fun au pieu...

— Pauvre chou, il n'a pas eu sa pipe du jour ?

Noé me regarde comme s'il hésitait franchement à m'affronter dans un futur octogone.

Bah quoi ? Il fait le connard ? Moi aussi je peux faire la connasse !

— Va nous trouver une table, gronde-t-il. Je ramène les boissons.

Je ne bouge pas.

— Vous allez cracher dans la mienne dès que j'aurais le dos tourné.

Il me regarde en soupirant d'un air suprêmement agacé et je lève les mains.

— Ok, ok, je capitule.

Je nous trouve une petite table à deux, près d'une grande vitrine avec des singes ailés en relief. Un écran accroché au mur d'à côté me fait de l'œil. Le film Le Magicien d'Oz de 1939 est en train de passer.

L'AssistanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant