Chapitre Vingt-et-Un

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Si j'avais su que je me trouvais dans l'émission de Boss Incognito depuis le tout premier jour...

Robert fait tinter sa coupe de champagne contre la mienne.

— Te voilà lier à nous pour quelques temps encore !

Cet homme est le diable incarné. Se faire passer pour un sous-fifre alors qu'il détenait les commandes dans les coulisses, ça relève de l'esprit de George R. R. Martin.

— Tu veux un tuyau de directeur à directrice ?

Je fais tourner mon verre. Je ne réalise toujours pas. Est-ce que j'ai accompli en un an ce que d'autres réussissent à faire en six ans ? Ou bien est-ce encore un de ces tours machiavéliques ? Ne suis-je qu'un pion dans son grand échiquier ? Après tout, si c'est Game of Thrones dans sa tête, je devrais tout particulièrement faire attention à ce que la mienne reste sur mes épaules.

— Si c'est gratos...

— Ne te préoccupe pas du regard des autres.

Je le regarde d'un air dégoûté. Les conseilleurs ne sont vraiment pas les payeurs.

— Comment veux-tu ? Je me préoccupe même du regard de mon chat !

Vu la manière dont ses yeux pétillent, je sais qu'il cache un énorme sourire moqueur. Soupirant, je regarde tout autour de moi. Des visages familiers et inconnus au bataillon, venus pour le cocktail organisé annuellement par l'entreprise. Ça en fait du petit monde bien habillé.

J'ai pour ma part opté pour une robe noire à bretelles, prêt du corps et échancré sur le devant de la cuisse pour me mouvoir plus librement.

— J'ai une question, Robert.

— Oui ?

— Pourquoi moi ?

Il me regarde à la dérobée.

— Tu es civile.

Cette réponse est la moins attendue de toutes.

— Je te demande pardon ? Je suis une bonne citoyenne c'est ça ?

Il sourit en secouant la tête.

— Tu es diplomate, juste et courageuse. Tu respectes tes compères, tu fais attention à ceux qui t'entourent indépendamment de leur statut, de leur âge, de leur rôle. Tu es humble et humaine. Ce sont des qualités qu'on t'a fait payer mais qui ont payé sur le long terme. Depuis que tu es là, je n'ai jamais vu autant Ben sortir de sa cachette, je n'ai jamais vu Adam se montrer aussi vulnérable et Noé, ce salopard de première... tu l'as quasi dompté. Crois-moi quand je te dis que j'ai fait le meilleur choix.

Touchée par ses mots, je le regarde sans rien dire, la gorge serrée. Il le voit et dans un élan affectif, sa main serre mon avant-bras. Émue, je pose aussi ma main sur la sienne.

— Merci, je ne parviens qu'à murmurer.

J'avais vraiment Jésus à mes côtés depuis tout ce temps.

— Maintenant, profite de la soirée, ta soirée, m'enjoint-il comme si je l'embarrassais avec mes yeux mouillés de Labrador.

Alors qu'il se détourne pour se mêler à la foule, je me dis que je ne l'ai jamais vu si émotionnel. Les hommes, ça fuit leurs propres larmes.

De nature discrète, je n'ose pas aller vers les autres pour me présenter et essaie de trouver des visages familiers.

De l'autre côté de la salle, j'aperçois un survêtement Lacoste qui détonne avec tous les costards. Alors que je me dirige vers Noé, une musique solitaire m'attire. Mes pieds suivent sa direction jusqu'à une cachette isolée et légèrement éclairée d'un abat-jour.

L'AssistanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant