L'Assistante

Chapitre Dernier

Adam tire une chaise digne de la collection du roi Louis XIV devant le bureau en bois massif avant de s'installer derrière. C'est la même petite salle. Les mêmes livres sur les étagères. Sauf que là je peux réellement les toucher. Je récupère de la poussière au bout de mon index que je frotte contre mon pouce.

Vieilles institutions, je pense en mon for intérieur.

— Que dirais-tu d'un nom de code ?je demande.

Il ne semble ni enchanté ni contre, ce qui veut dire que j'ai feu vert.

— Burn-Out !je propose.

Il me regarde bizarrement. Trop tôt peut-être.

Assis sur la chaise je prends la pose du Penseur de Rodin à réfléchir intensément tandis qu'il pose à plat une mallette sur la table. Aussitôt mon intérêt est piqué alors qu'il ouvre les poignées métalliques à deux mains.

— Je sniffe de l'argent... beaucoup d'argent...

Il roule des yeux alors qu'il l'ouvre entièrement. Juste des classeurs. Et un stylo plume.

Disappointed !

— Prête pour les entretiens ?

Mon visage se lisse dans un visage neutre pour ne pas me trahir.

— Oui.

Je lui pique une feuille blanche et un stylo quatre couleurs. Je le contemple un instant. Mon pouce appuie sur les côtés, me rappelant ma période étudiante. Bleu, rouge, vert, noir. Noir, ce sera. Le bleu a déjà trop coulé.

— Alors, hum, je m'éclaircis la gorge, comment ça se passe ? Les entretiens, tout ça.

— Tu en as déjà fait non ?me demande Adam en triant les C.V. de nos recrues.

— Oui, mais je n'ai jamais été de ce côté-là.

La nervosité commence à me gagner.

J'occupe officiellement mes fonctions depuis lundi dernier suite à la formation en continue que j'ai reçue. Le diplôme de Directrice, encadré, trône désormais à côté d'un portrait de Mamie Loti.

Or aujourd'hui, une autre tâche m'attend.

— Ah c'est l'heure, indique Adam en se levant. Allons accueillir notre prochaine recrue.

Qui l'eut cru que Victoria trouverait finalement son bonheur aux côtés de Noé ? Après réflexion, ils m'ont toujours paru tous les deux passionnés d'où leur entente naturelle. Si j'avais su, je les aurais faits rencontré plus tôt pour nous éviter pleins de drames.

Maintenant, j'ai droit à voir chaque semaine sur mon fil Instagram un post de leur part sur leur tour du monde en amoureux.

Plus casanier, Adam se contente de regarder par-dessus mon épaule et d'échapper un « c'est cool » platonique.

À ce train-là, je soupçonne Victoria de revenir avec une bague de fiançailles et un ventre rond.

Mais elle semble enfin heureuse aux côtés de Noé, faisant plus son âge, retrouvant la douceur et la joie de vivre qu'elle avait égaré au sein de cette compagnie.

Occupant à mon tour un siège dans l'entreprise, je fais attention à prendre soin de ma santé mentale et physique. Les gens vont et viennent, on n'a plus le temps de se connaître ni de s'attacher alors je ne m'épanche pas et reste concentrée sur ma voie.

C'est comme ça.

Adam ralentit le pas afin de me faire passer devant. Se faisant, je suis la première à me trouver devant un corridor plein à craquer. Une centaine de paires d'yeux se fichent droit dans les miens et je déglutis en tentant bien que mal de garder mon calme.