CASSANDRA II

25 5 2
                                    

La ville de la Reine-Mère, fleuron d'architecture ancienne et de passé historique. Cette idée lui plut car cette cité restait un ravissement pour les yeux et pour l'âme. S'y reposer, même succinctement, avant l'épreuve de son sacre ne pourrait que s'avérer bénéfique. Elle se remémorait la ville, ses couleurs claires, éblouissante de pierres brûlées par la puissante lumière des deux grands astres du jour. Elle se rappelait les tons pâles et jaunâtres sur lesquels les rayons des deux soleils enfantaient des reflets de topaze, de miel et de claire vanille. Elle se prit à écouter le refrain sinueux des vaguelettes qui accompagnaient les méandres du fleuve qui traversait la ville : le Timèze.

Elle passerait par les eaux, elle le voulait. En quelques heures elle arriva à Oldon : la fière ! Sans s'arrêter et sans ménagement, elle traversa la ville bloquant par là-même lorsqu'il le fallait trafic, passants ou promeneurs. La voilà devant le pont splendide qu'elle avait tant de fois traversé. Il enjambait le Timèze et, riche de deux petites tours, empêchait quiconque de pénétrer aux Althéas sans y avoir été convié. Évidemment Cassandra ne s'était pas encombrée d'annoncer sa venue.

Mais désormais elle se prévalait, entre autre, du titre de Dominateur et comptait bien démontrer qu'on ne volait pas un tel warrant. Comme escompté à l'annonce de sa personne les gardes firent la moue. Ils s'exécutèrent diligemment à la laisser passer quand leur fut souligné son nouveau statut de même que ses récentes victoires. Toutes récentes. En l'état actuel des choses mieux valait-il se bien faire voir de la première princesse de l'Empire. Enfonçant chacun des postes qui normalement n'étaient que formalité, surtout lorsque l'on était attendu, Cassandra finit par se retrouver devant sa grand-mère. Comment croire que cette dernière ignora la présence de sa petite fille ? Surtout dans sa ville.

Elle s'était sans l'ombre d'un doute amusée de la voir réitérer le même ballet à chaque poste. Ne serait-ce que pour souligner encore un peu plus à qui appartenaient ces murs. Peu importait ! L'essentiel c'était Eleanor. Après avoir non sans quelque raideur, présenté ses respect à la toute puissante Ivory, Cassandra marcha d'un pas alerte et guerrier vers le jardin des Althéas. Votre petite sœur sera enchantée, avait précisé avec un plaisir faussement bienveillant sa grand-mère. Enchantée... Pourquoi ces mots lui semblaient- ils aussi torves ? Ivory la sage, indépendamment de ses manières d'impératrice et de son goût exagéré pour l'intrigue, avait toujours été une alliée.

Pourtant en ce jour, précisément, ses yeux l'avaient invité à la plus grande prudence. Contre qui ? C'était une énigme. Ah... Les Althéas. Instinctivement son pas changea, son allure se radoucit et les souvenirs de son enfance passée en partie entre les rotondes teintes de mauve et de violacé de ces jardins verts anisés l'émurent. Fleurs de cloche, muguet, tulipes... Que n'avaient-elles cueillies, enfant, pour en confectionner les bouquets les plus originaux, les plus recherchés ? Sous la protection des chênes majestueux qui enserraient les Althéas, fleurs que personne n'osa jamais toucher de peur d'essuyer la colère d'Ivory, Cassandra et Eleanor s'étaient vues offrir une enfance véritable. Loin des vilenies de la cours et de ses politiques. La voilà, douce et simple, d'une beauté fragile sans pareil. Toujours de roses et de pâles mauves, d'auburn coiffé et de féminine dentelle...

Que sa sœur était noble, gracieuse et plaisante en tous points. En tous sauf un seul et il lui fallait dès à présent l'entretenir de ce fameux point. Se jetant sur sa cadette elle l'enlaça tendrement. Cette dernière se laissa faire de bonne grâce et enfouit ses yeux dans le cou de son aînée. Entre elles il y avait quelque chose de plus fort, de plus puissant, de plus élémentaire que de simples rapports fraternels. Elles s'étaient hissées tôt par-delà les méandres de la mort, au-delà de la vengeance, au travers des douleurs causées par la perte et les querelles de succession. Il avait fallu se battre, il avait fallu se protéger, la protéger à la mort de Mère. Devenir plus forte, persuader Père de sa force et de ses capacités à hériter de sa volonté.

Le Pacte du Roi Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant