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Léandre :

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Léandre :

Je frappai encore et encore, y mettant toutes mes forces. Je me déchaînai sur ce sac, j'expulsai la rage qui vibrait sous ma peau. À chacun de mes coups, mes phalanges m’élançaient durement et pourtant, la douleur n’éclipsait en rien la fureur intarissable qui m’envahissait.

Je ne pouvais pas me calmer... C’était impossible !

Je ne pouvais pas apaiser ma colère après ce que j'avais vu. Pas après avoir été le témoin des marques et plaies que cet enfoiré avait laissé sur Carmen. Cet homme, cette ordure, était dénué de pitié et de scrupules.

Il était moins qu’un homme, il n’était qu’un monstre !

Un monstre qui s'était attaqué à une femme innocente. Un monstre qui s’était acharné sur plus petit que lui, plus faible. Un monstre qui avait levé la main sur une femme. Un monstre qui avait poussé l’horreur jusqu’à laisser son empreinte sur le corps et l’esprit d’une demoiselle qui n’avait rien demandé.

Un monstre...

Il n’y avait pas de meilleur mot pour définir ce salaud tant il était… Je n’avais même plus de mots.

Alors que je frappais avec plus de vigueur sur le sac qui n’en finissait pas de voltiger, celui-ci tomba de son crochet et s’écrasa au sol dans un bruit mat. Soupirant d’irritation, je m’abaissai pour le remettre en place.

Des applaudissements éclatèrent dans mon dos mais je ne réagis pas et soulevai le sac de sable. Je savais pertinemment qui se trouvait avec moi dans cette pièce.

— Tu as fini de martyriser ce pauvre sac, mon ami ? rit Vlad.

Je l’ignorai royalement et recommençai à “martyriser” le sac. Les pas de Vlad se rapprochèrent de moi puis il me passa devant pour se placer de l’autre côté du sac.

Il posa ses mains de part et d’autre du boudon et le maintint à chacun de mes coups. Une réplique me vint en tête lorsque je le remarquai vêtu d'un complet noir impeccablement repassé.

— Ne viens pas froisser ton costume, Vlad, me moquai-je.

Vlad eut un rire bref avant de bloquer le sac plus fermement.

— Tu me sembles bien énervé, Léandre.

Je lui lançai un regard acéré avant d’enchaîner les vêtements avec plus de vivacité. Vlad interpréta ce signe pour ce qu’il était : j’étais vraiment furieux.

— J’ai visé dans le mille, dirait-on. La raison ne s’appellerait-elle pas Carmen Devis ?

Un grognement sortit de ma bouche.

— Que s'est-il passé ? demanda Vlad plus sérieusement.

Je ne répondis rien et balançai mon poing avec toute ma puissance. Un sinistre “crac” retentit et les chaînes cédèrent ; le sac tomba à nouveau. Vlad et moi nous dégageâmes juste à temps, même si le sac rata mes pieds d’un cheveu.

— Léandre, vas-tu me dire ce qui t'a mis dans un tel état ? s'impatienta Vlad.

Je ne dis rien m’emparai de ma bouteille d’eau pour boire de longues gorgées. Je sentais le regard de Vlad posé sur moi, mais je n’y prêtai pas d’importance. Lorsque j'eus terminé, je m'essuyai le front avec une serviette et fis ensuite signe à Vlad de me suivre.

Il m’emboîta le pas et je l’amenai à la chambre de Carmen. Arrivé devant la porte, je me retournai et fis comprendre à Vlad qu’il ne devait pas faire de bruit. Il acquiesça et entra à ma suite dans la pièce.

Ma colère reprit à nouveau du terrain en voyant Carmen. Déjà tout à l’heure, ses blessures m’avaient foutu en rogne, et maintenant le spectacle que j’avais sous les yeux aggravaient ma fureur.

Carmen était recroquevillée en position fœtale ; le couette ne recouvrait plus son corps. Ses bandages étaient pour la plupart gorgés de sang et son visage était caché derrière ses bras : elle remuait en tous sens en criant à chacun de ses mouvements, à cause de la douleur ou du souvenir dans lequel elle était plongée, je l’ignorais.

Lorsqu’un véritable hurlement franchit ses lèvres, je me précipitai vers elle et grimpai sur le lit. Je fis signe à Vlad de rester en retrait afin que Carmen ne le voie pas.

J'attrapai délicatement ses hanches, en prenant garde à ses blessures, et l’étreignis délicatement contre mon torse. Carmen se débattit en essayant de m’échapper, des larmes roulaient sur ses joues. Je caressai ses cheveux encore humides en lui murmurant de douces paroles en russe et elle hurlait, en proie à une douleur qui semblait bien réelle, elle suppliait : “Je vous en prie !”, “Non, pitié…”, “Je n’ai rien fait de mal !”...

Je me contentai de serrer les dents et de contrôler ma colère.

Carmen finit par se calmer et sombra dans le sommeil. Je quittai les draps avant de couvrir de la couverture son frêle corps abîmé. Je l’embrassai chastement sur le front puis sortis de la pièce, Vlad sur mes talons. 

J’allai directement dans ma cuisine et sortis deux bouteilles de bière du réfrigérateur. Je lançai la première à Vlad qui la réceptionna aisément puis décapsulai la seconde et bus une longue gorgée amère.

— Léandre.

— Tu comprends ma colère, maintenant, le coupai-je froidement.

— Pour te l’avouer, je ne m’attendais pas à ça.

Je ricanai avant de boire une nouvelle gorgée.

— Tu t'attendais à quoi alors, Vlad ? À ce que cette fille aille bien ? Qu'elle se porte comme un charme après être passée entre les mains de Richard Pendez pendant je ne sais combien d’années ?

— Ce n’est pas ce que je voulais dire, je ne parlais pas de la fille mais de toi, mon ami. Il est tout à fait normal que cette fille soit traumatisée à cause de ce salopard.

— Et qu’est-ce que j’ai, moi ?

— Je ne t'ai jamais vu ainsi avec une femme .

— Comme quoi, tout est possible, rétorquai-je brusquement.

— C’est toi qui as soigné ses blessures ?

— Oui. Toutes.

— Elle en a beaucoup.

— Ce qui me plonge dans une rage noire.

— Et pour Cole Devis, tu as l’intention de le contacter un jour ? C’est son frère, Léandre.

— Il est trop tôt. Carmen est encore sous le choc.

— Tu as surtout peur qu'elle s'en aille avec lui sans que tu ne puisses faire quoi que ce soit.

— Je veux l'aider, je lui ai promis que je l'aiderai. Elle restera ici tant qu'elle n'ira pas mieux.

— Tu es sûr de ce que tu dis, mon ami ?

— Où veux-tu en venir, Vlad ? m’agaçai-je.

— La laisseras-tu partir avec son frère lorsqu'elle aura repris confiance en elle ? La laisseras-tu te quitter dès qu’elle ira mieux ? Sauras-tu la laisser s’en aller ? 

Je vrillai mon regard dans les prunelles noires de mon ami. Celui-ci me fixait en l'attente d'une réponse à sa question.

Laisserais-je Carmen partir ? Me quitter après ce que j'aurais fait pour elle ? Reprendre sa vie là où elle l’avait laissée avant sa rencontre avec Richard Pendez ?

Je n'avais pas la réponse à cette question.

Ou alors, je la connaissais parfaitement, mais ne voulais simplement pas me l’avouer.

𝕊𝕒𝕦𝕧é𝕖 𝕡𝕒𝕣 𝕦𝕟 𝕚𝕟𝕔𝕠𝕟𝕟𝕦 ⁽ᴿᵘˢˢⁱᵃⁿ ˢᵃᵍᵃ ²/ᵀᵉʳᵐⁱⁿé⁾Where stories live. Discover now