Chapitre 2 : Beurk, je l'ai collée à celle de la noyée

22 3 0
                                    


Lorialet

— Hey, Blanquinou ! Alors, Zora a libéré son esclave ?

— Ha Ha Ha. Je me poile comme c'est pas permis, Joe.

— Fous-lui la paix, Joe. Content que tu aies pu nous rejoindre, lance à mon attention Johnny avec un clin d'œil de connivence.

Je lui offre un rapide hochement en guise de remerciement. Pas question de se perdre dans des discours sans fin comme une gonzesse.

À l'inverse de Joe, Johnny est le genre de gars sur lequel je peux compter. C'est le plus âgé d'entre nous et il se pose comme chef de clan des juniors. Un clan à l'image de celui des adultes, dans lequel le plus vieux fait office de sage. Chose plutôt tordante quand on sait le nombre de conneries qu'on peut faire ensemble...

Johnny n'a que quinze ans, mais quinze ans chez nous, c'est presque l'âge d'être un homme. Je redoute le jour où il décidera d'en être vraiment un, laissant alors sa place de chef à son cadet, Joe. Ce dernier n'est pas méchant, mais Seigneur qu'il est con ! Il est tout ce que je déteste. Grande gueule, écrasant les plus petits, humiliant les gadjis et terrifiant leur équivalent masculin. Remarquez que parfois, je ne suis pas non plus en reste pour chercher la misère aux petits culs serrés de la ville. C'est le moyen, certes le plus lâche, mais surtout le plus efficace que j'ai trouvé pour me faire accepter par les miens. Pas facile quand on est rejeté des deux côtés. Je suis trop blanc pour ma communauté, et pas un vrai pour celle de la ville. Alors je fais avec ce que j'ai. Je n'en suis pas fier, mais je n'ai que quatorze ans après tout. Et j'ai besoin d'appartenir à la meute.

Le souci – ou pas d'ailleurs – c'est que le lac est à tout le monde. Nous bien sûr, on a décidé d'y faire un peu notre loi. Enfin par moments. Genre... comme aujourd'hui.

— Hé, les gars, regardez les blancs-becs là-bas.

Joe désigne du doigt un groupe de jeunes qui s'amusent dans l'eau près du ponton. D'ici, je vois cinq six têtes, tout au plus. Nous sommes une dizaine.

— Vous ne trouvez pas que c'est l'heure de faire de bonnes grosses bombes ?

— Ouais, j'irais bien en larguer quelques-unes moi, répond aussitôt le gros Marlon.

— On y va.

Johnny a parlé. Nous n'avons plus le choix.

Je suis le troupeau sans être forcé pour autant. J'aime bien faire des bombes au milieu des gadjos. C'est encore plus drôle quand il y a des filles au milieu d'eux. Les princesses font tout pour ne pas mouiller leur belle chevelure, et nous, on jaillit de nulle part et paf ! Coulées les Barbies aux cheveux soyeux !

Telle une horde surentraînée, nous approchons du lieu du futur crime, rictus au visage et regard pétillant. Nous nous faisons les plus discrets possible jusqu'à ce que nous arrivions à hauteur du ponton, en dessous duquel joue innocemment le petit groupe visé.

Nous sommes à quelques mètres de prendre notre élan pour dynamiser notre assaut, quand une fille sortie de je ne sais où se met à crier à l'intention de nos potentielles victimes.

— Les garçons attention ! Les garçons !

Trop tard. Nous courons déjà et ce, de plus en plus vite. Mais la fille ne bouge pas et s'est même stupidement mis en tête de nous arrêter. Elle se fige au bord du ponton, bras et jambes écartés, attendant sans le savoir l'impact qui, j'en suis certain, va la projeter violemment au fond de l'eau.

Elle est tarée ou quoi ? Elle croit vraiment pouvoir faire barrage ? Ce n'est qu'une gamine de mon âge ou peut-être moins, moulée dans un ridicule maillot de bain bleu à volants !

Green Oak (Sous contrat d'édition chez Black Ink Editions)Where stories live. Discover now