Chapitre 8 : Je raconterai à sa mère qu'elle passe son temps à me montrer...

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Les jours suivants, je n'ai pas revu Victoria. J'imagine qu'elle s'est encore fait punir. Moi, à l'inverse, je n'ai rien eu. Mis à part l'attention mâtinée de dédain et de rage de la tante Zora ce fameux soir, je n'ai écopé d'aucune punition et n'ai même pas eu à me justifier sur mon retard. Ce n'est pas que je n'ai de compte à rendre à personne, c'est juste que tout le monde s'en fout de ce qui peut m'arriver. Si l'oncle a pris ma défense, c'est uniquement pour faire front à sa femme qui lui doit le respect. Juste un besoin de montrer aux autres hommes que c'est bien lui qui porte la culotte. Et si la tante s'est déchaînée sur moi, c'est juste parce qu'elle devait être déçue que je refasse surface.

Alors j'ai envie de dire que maintenant que j'ai conscience de tout ça, ben ça me facilite la chose. Désormais, je vais où je veux, quand je veux, et je rentre à l'heure qui me chante. Oui bon, en dehors de mes heures obligatoires d'école à domicile et de mon travail forcé au garage.

Mais à présent, ce sont les grandes vacances d'été. Fini la partie chiante des apprentissages scolaires. Rien ne m'intéresse en eux et pire, on ne peut pas dire que je sois doué. Je préfère de loin travailler le fer et aider l'oncle. Quant aux autres, les gars de mon âge, je ne sais pas... Le coup qu'ils m'ont fait en me laissant sur la route, et surtout en ne se souciant pas de ce qui avait pu m'arriver, m'a fait m'éloigner d'eux plus encore que je ne l'étais déjà. Sauf que cette fois, la donne a changé. Ils ne me rejettent pas, c'est moi qui les délaisse. Je les accompagne de temps à autre au lac, mais pour faire simple, disons que je ne cherche plus à me faire accepter.

Je vais au lac et... sous le chêne perdu au milieu de nulle part. Alors rien à voir avec une quelconque nostalgie liée à l'improbable manque que je pourrais éprouver envers la fillette, mais tout à voir avec le fait que là-bas, je suis seul et tranquille. Là-bas, il y a de l'ombre, un peu d'air, et le livre que j'ai caché.

Au début, je l'ai juste feuilleté, tournant les pages une à une, ne m'attardant que sur les dessins représentant de soi-disant dieux à moitié à poil et des chevaux avec des ailes. Ridicule ! Des trucs de gamins. Et puis, non sans difficulté, j'ai commencé à lire les fameux mythes. Je ne comprends pas tout, mais je dois avouer que j'aime bien ce côté un peu magique. Je lis quelques pages, je m'endors, et à mon réveil, je prends bien soin de remettre le livre entouré d'un linge épais derrière les pierres, avant de partir. Hors de question que je le ramène au camp. On n'aurait pas fini de se moquer de moi plus qu'on ne le fait déjà.

Hier, j'ai commencé à lire le mythe d'Achille, fils d'une déesse et d'un roi, élevé pour devenir un courageux guerrier. Le gars il est tellement fort qu'il vient à lui seul à bout de centaines d'autres mecs !

Aujourd'hui, je compte bien poursuivre et connaître la fin de cette histoire.

Allongé sous le chêne, je retourne en Grèce aux côtés d'Achille, et j'assiste par procuration aux bains de sang. Je me délecte du récit et très vite, je fais une totale abstraction de ce qui se passe autour de moi.

— Hé, mais c'est mon livre, sale voleur !

Victoria...

Sortie de nulle part, elle se tient debout devant moi, les mains sur les hanches. Les sourcils froncés et la bouche en cul de poule, elle m'arrache le livre des mains et le retourne sous toutes ses coutures pour vérifier son état.

— Je ne te l'ai pas volé, tu l'as oublié ici. Et puis ce n'est pas la peine de l'examiner comme si je te l'avais abîmé. Je l'ai à peine touché. C'est de la merde ce livre.

— Ah ouais ? Alors pourquoi il y a des feuilles séchées coincées entre les pages, genre comme si quelqu'un avait voulu marquer des passages ? Bonjour.

Green Oak (Sous contrat d'édition chez Black Ink Editions)Where stories live. Discover now