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En novembre 2016, à l'occasion de la fête de l'école, fête de Madeleine Morano, notre saint patron. La philo, ma classe a organisé un petit tournoi de football avec 4 écoles de la ville. C'était toujours à la philo de prendre en charge la fête de l'école. Nous étions les ainés de l'établissement. Ehaël était venu charmer le public, il était venu jouer pour son école. Après le match, nous étions restés ensemble à boire et à discuter. J'avais comme tâche de surveiller les participants de cette activité, il m'a aidé à remplir ma tâche convenablement. Heureusement je n'avais pas choisi de faire autres choses comme rester au bar par exemple. Je serais dans la merde. Après deux semaines, nous nous sommes remis ensemble. J'oubliais tout le mal qu'il m'a fait, j'oubliais toutes ses tromperies, tous ses mauvais tours. Ce que je ressentais quand j'étais avec lui était plus fort que tout. Quand on aime, on pardonne toujours dit-on. Cette phrase était ma source de motivation. Je ne pouvais pas le laisser partir pour ses erreurs du passé. On a tous déjà commis une erreur au moins une fois. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Notre relation était un peu distante puisque nous n'étions pas dans la même école. Mais ce n'était pas grave parce que j'étais plus mature et je pouvais sortir plus souvent. Lui, il n'avait jamais eu de problèmes pour sortir. Il pouvait faire ce qu'il voulait. Vraiment tout ce qu'il voulait. Je me disais que c'était pour de bon cette fois. Je me disais également que je l'ai enfin pour moi seule et que je pouvais bien prendre de lui désormais. Selon moi, tout était résolu. J'étais prête à tout franchir cette fois. Sans aucune exception. J'étais prête à m'afficher et à tout avouer à ma mère. Il ne voulait pas, il a dit que c'était trop tôt et que nous devrions boucler nos études classiques d'abord pour ne pas avoir de problèmes. Je l'ai compris. A mon avis, c'était une très belle idée. Je n'y avais même pas pensé. Je n'avais pas vraiment le temps de penser à autre chose que d'officialiser notre relation. Il est devenu un grand homme vu avec les responsabilités qu'il devait assumer. Coordonateur adjoint d'un orphelinat que son père a mis sur pied il y avait 10 ans. Coordonateur général de son club de danse. Président de sa classe. Vice président de son école. Sans oublier qu'il était aussi le président de la jeunesse de son église. Toutes ses responsabilités reposaient sur son dos. Il n'avait pas beaucoup de temps, il devait aussi étudier et préparer davance ses examens. Il ne voulait plus redoubler. Il travaillait tellement qu'était toujours le premier élève à réussir dans sa classe. Il était toujours le premier des premiers dans son école en plus. Mais ce qui m'a poussé beaucoup plus à lui faire confiance c'était parce qu'il était toujours libre pour moi. Il me donnait toujours de son temps et était toujours prêt à m'écouter. Mes amis étaient au courant pour notre relation. Ils me disaient toujours qu'ils étaient heureux de voir à quel point j'avais envie de vivre tellement que j'étais dans la joie. J'avais une meilleure amie en philo. Nous n'étions pas dans la même école. Elle était aussi au courant. Elle s'appelait Schamma et je l'appréciais beaucoup. Elle était ma bonne amie quand j'étais en kingdergarden à Taminou. Nos parents étaient aussi amis. Après le kingder, nous nous sommes séparés. Et en philo, nous avons repris contact et nous sommes devenues meilleures amies. J'avais enfin trouvé quelqu'un avec qui partager mes secrets. Quelqu'un avec qui je pouvais parler de mes erreurs sans être jugée. Pas que je ne pouvais pas partager mes soucis avec Ehaël c'est juste qu'il ne pouvait pas comprendre certains trucs que seule Schamma pouvait comprendre. J'avais également de bons autres amis qui ont toujours été présents dans ma vie pour m'aider à garder le sourire. Edoualda ma camarade de classe préférée, Douby malgré notre distance (il est rentré me voir à jacmel pendant deux fois), Matude que j'appelais ma psychologue et ma conseillère, Nancy qui était dans la même école que moi, Kathy une amie sympa, etc... J'étais vraiment comblée. Je n'aimais plus la solitude. Une soeur salésienne m'a dit une fois qu'une personne solitaire est comme une feuille sèche tombée d'un arbre, elle est à la merci du vent. Le vent peut l'emmener où il veut. Je ne voulais plus être solitaire dans ma vie. Je faisais chaque jour de grands efforts pour garder ceux qui étaient dans ma vie et accueillir chaleureusement ceux qui voulaient en faire partie. Je grandissais d'une vitesse incroyable, je n'étais plus timide. J'avais beaucoup changé. Il y avait une certaine complicité entre Ehaël et moi qui était mystérieuse. Il venait chez moi mais ma mère ne comprenais rien. Pendant la période carnavalesque de 2017, il m'a invité à aller à Pétion Ville avec lui pour une semaine. Je ne pouvais pas rater ce séjour donc j'ai menti à ma mère. J'ai dit que j'allais participer au CAJ (Carnaval Avec Jésus) avec les soeurs à Jérémie  (le chef lieu du département de Grand Anse). Puisque j'avais mentionné que c'étaient les soeurs qui m'ont invitée, elle a accepté sans répliquer. D'habitude les soeurs nous donnaient une circulaire pour remettre aux parents, maman était saoulée avec cette culture. Elle en voulait plus. Ce qui m'a sauvé. Sinon elle ne m'aurait pas cru. Cette semaine avec Ehaël à Pétion Ville était baptisée Semaine Sucrée. Il avait laissé son téléphone chez lui, je ne savais pas pourquoi. Il voulait être juste avec moi donc le déranger pourrait être catastrophique. Il n'y avait pas d'autres explications que je pourrais trouver. Pour une fois, il était fidèle avec moi. Il a changé juste pour moi. Quel amour! Mes sentiments ne cessaient de devenir plus intenses. J'ai cru qu'avec le temps elles seraient fanées mais ce n'était pas qu'un coup de foudre. C'était du sérieux. Je ne savais pas pourquoi je l'aimais. Je ne savais pas ce qui m'intéressait chez lui. C'était mon coeur qui me guidait. Nous sommes rentrés à Jacmel dans une semaine pour reprendre nos cours après le carnaval.

BriséeWhere stories live. Discover now