22. L'adieu

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Elle se penche et fouille dans son sac. Elle en sort son carnet, celui dans lequel je l'ai vue s'épancher tant de fois, notant des partitions et des phrases que la nuit lui chuchotait à l'oreille pour l'empêcher de dormir, griffonnant pleins de petits dessins, des grands yeux ouverts ou fermés, des pommettes étoilées, des elfes et des arabesques folles qui traduisaient l'imbroglio de ses émotions. Celui dans lequel elle a glissé des plantes dont le parfum continue de se diffuser dans ma chambre.

— Tiens, déclare-elle en me le tendant. Comme ça, tu te souviendras et garderas l'esprit qu'un jour, toi aussi tu seras entièrement toi-même.

— Merci, articulé-je, la gorge serrée.

Je sers l'objet contre ma poitrine.

— Parce que je suis une artiste, dit-elle. Je me donne à fond dans tout ce que je fais. Un partiel, un croquis, une nouvelle, une aquarelle. J'y met tout. Mon coeur, mon âme et je me brise dès que je touche le sol. Je prends un éclat de mon coeur et le distille sur ma copie, dans mon carnet, sur les touches du piano. J'observe la peinture s'étendre sur mon coeur, émerveillée. Elle comble mes lacunes, te rends-tu compte ? Grâce à l'Art, je me sens enfin moi-même, et je ne laisserai plus rien ni personne m'en empêcher, tu comprends ?

J'hoche la tête. J'ai compris, je comprends, je comprendrai toujours qu'elle me disait au revoir à ce moment-là, que c'était sa façon de ne pas avoir de regrets.

— Je pars pour quelque chose de plus grand, poursuit-elle. Cette enveloppe physique m'étouffe, me tue à petit feu. Bientôt, elle jettera de l'eau sur mes braises.

— Et elles ne pourront pas être rallumées, complété-je.

À nouveau, elle franchit la distance qui nous sépare. Ce n'est que quand elle pose sa main sur ma joue que je m'aperçois que je pleure. Elle essuie une larme et embrasse ma joue avant de déposer un baiser sur mes lèvres. Cette fois, je comprends que c'est la dernière fois, alors je la presse contre moi. Lorsqu'elle s'écarte, vite, beaucoup trop vite, elle me jette un dernier regard empreint de promesses avant de se retourner.

— Ça ne sera pas comme si je n'avais jamais existé, me prévient-elle.

Et elle s'en va, me laissant avec mes larmes, son carnet et mon cœur gonflé de la conviction que je trouverai quelle graine planter pour avoir, moi aussi, mes bras célestes. Elle s'envole dans la nuit, d'abord doucement, et puis plus frénétiquement. Elle n'est plus qu'un point dans le ciel, une étoile parmi les étoiles.

🪶🪶🪶

Merci d'avoir lu ce dernier chapitre ! Mais ce n'est pas pour autant qu'Hugo a fini de dire tout ce qu'il avait à dire...

On se retrouve donc demain, pour l'épilogue !

N'hésitez pas à me donner votre avis sur cette histoire un peu alambiquée :)

MARINAWhere stories live. Discover now