Joachim

Chapitre 2: Avant le début

Columbia, Kentucky, nous sommes en 1960. Madeleine Curtis avait décidé de s'émanciper et de quitter sa famille pour s'installer en ville. N'ayant eu jusque là qu'un mode de vie campagnard et très renfermé, elle eut d'abord énormément de mal à s'acclimater à la diversité citadine. 

Elle trouva d'abord un petit boulot dans un diner pas très loin de chez sa cousine Sharon, où elle vivait en attendant de pouvoir payer un loyer seule. Elle n'hésitait pas à se proposer pour des heures supplémentaires le soir au service ou à la plonge et attendait avec impatience le partage des pourboires de la semaine. 
Elle n'était pas très cultivée mais elle était une travailleuse acharnée et efficace. Elle semblait satisfaire les clients et son supérieur qui lui donnait de temps en temps un petit plus en période difficile. Mais malgré cela, Madeleine était loin de pouvoir prendre un appartement seule et commencer sa vie de femme indépendante. 

Elle commença alors à faire le ménage dans certains appartements du centre ville pendant le week-end, et il lui arrivait de faire la cuisine et le repassage chez sa voisine du dessus. C'était une vieille femme qui perdait peu à peu son autonomie, elle donnait toujours un petit billet à Madeleine une fois que tout son linge était plié et rangé dans les placards. Son appartement sentait le vieux bibelot, le renfermé, mais Madeleine faisait abstraction et pensait au petit salaire qu'elle allait gagner pour se payer ses tickets de bus. 

Au diner, Madeleine était devenue amie avec Sarah, une collègue de trois ans son aînée. Sarah était pétillante, jeune, motivée et vivait seule dans un quartier qui faisait de l'œil à Madeleine depuis son arrivée en ville. 
Mais impossible pour la nouvelle citadine de s'y installer, les loyers étaient exorbitants et trop loin du diner ce qui voulait dire encore plus de tickets de bus à payer. 
Tous les jours en voyant son amie au travail elle se demandait comment une aussi jeune fille pouvait vivre dans un endroit pareil avec un simple revenu de serveuse. De plus elle ne semblait pas être du coin au vu de son accent bien plus marqué que l'on entend dans les régions du sud du pays. Ses parents seraient-ils assez riches pour payer un loyer en plus de leur dépenses familiales habituelles? Cela semblait tout de même assez fou. 

Chaque jour sa curiosité grandissait en elle, se nourrissait de ses fantasmes les plus fous et de son imagination débordante. Peut-être  Sarah venaient d'une famille fortunée qu'elle avait dépouillé avant de mener une petite vie calme dans le Kentucky. Peut-être avait-elle un passé de criminelle, une carrière florissante dans la pègre qu'elle a laissé tomber du jour au lendemain pour une vie tranquille et un petit boulot dans un diner. Aucune de ces réponses ne satisfaisait Madeleine, et un jour, sa curiosité prit le dessus et elle demanda à Sarah comment elle pouvait avoir une telle situation avec un simple salaire de serveuse. 

Ce jour-là Sarah lui expliqua que sa vie au diner n'était qu'accessoire pour pouvoir paraître honnête sur les papiers que ce soit pour son appartement ou toute autre chose. En vérité, son plus gros salaire elle le gagnait la nuit, dans un bar de nuit ou elle dansait quatre soirs par semaine. Grâce à cela, en plus de son appartement, Sarah se permettait quelques folies comme des habits, des bijoux dans des magasins où Madeleine n'était même jamais entrée à cause des prix marqués dans les vitrines. 

La jeune femme proposa donc à son amie de lui montrer ce qu'elle faisait la nuit pour qu'elle puisse se faire une idée et peut être même plus tard faire de même. Madeleine excédée de vivre avec sa cousine et de cuisiner chez sa voisine pour trois fois rien accepta sur le champ. Après son service elle rentra chez elle à la hâte. Elle dit brièvement bonsoir à sa cousine qui fumait dans la cuisine en écoutant la radio et courut dans sa chambre. Sarah lui avait demandé d'être  présentable, elle allait peut-être rencontré son prochain employeur, il fallait faire bonne figure.