Chapitre 6: Maman

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Madeleine était paralysée, ses lèvres priait le seigneur de l'épargner, ses mains se joignirent sans même en avoir l'intention. Elle répétait encore et encore "pitié seigneur" comme un tourne disque qui saute.

"C'est moi que tu devrais supplier" 

Joachim sentait qu'il avait enfin le contrôle sur son bourreau, elle ne pouvait plus rien contre lui. Il était temps de marchander.  

"La prochaine fois que tu lèveras la main sur moi je me défendrai." 

Il serrait son couteau de toutes ses forces, il était terrifié mais aussi dans un état jubilatoire. C'était si bon tout contrôler, d'être le plus fort. Un petit rictus s'était dessiné sur son visage, il aimait ce qu'il était entrain de se passer. Sa mère le compris et se jeta à ses pieds en le suppliant de ne pas lui faire de mal.

"Je ne te frapperai plus jamais je te le promets, je te ferai des gâteaux, par pitié pose ce couteau!" 

Toute la tension et le feu qui brûlait en Joachim s'éteignit soudainement , son corps devint mou, comme un pantin désarticulé. Il lâcha le couteau et s'écroula. Madeleine s'empressa de prendre l'arme et couru jusqu'à la cuisine. Elle se fit surprendre une deuxième fois pas les animaux empaillés, elle sursauta mais continua de courir pour cacher tous les couteaux dans une boîte qu'elle mit en haut du frigo. 

Elle retourna lentement et silencieusement dans le couloir pour écouter si son fils s'était relever, elle n'entendait rien, elle continua de s'approcher. Arrivée à la porte elle se retrouva nez à nez avec lui. Sa respiration s'était coupée, son diaphragme était comme suspendu dans sa cage thoracique. Le garçon ne dit rien, il continua son chemin jusqu'au salon , il était silencieux, comme toujours, mais cette fois, son silence avait quelque chose de glacial, de morbide. Il décrochait les animaux un à un , doucement, pour ne pas trop les abîmer. 

"J'aimerai que tu les jettes, ce n'est pas un jeu les animaux Joachim." 

Joachim s'arrêta un instant , comme en pause, avec ses cadavres dans les mains, il se retourna et fixa sa mère, il n'avait aucune expression sur son visage. Il tendit calmement les mains vers sa mère, pour lui rapprocher ses créations de son visage.

"Elles n'iront nulle part."

Madeleine eut un moment de recule mais resta en équilibre. Elle hocha la tête en silence, et laissa le petit garçon ranger les animaux dans sa chambre. 

"J'ai faim."

Elle sursauta, regarda son fils, et hocha la tête une deuxième fois. Cependant elle ne s'exécuta pas immédiatement, elle ne voulait pas le quitter du regard. Elle avait l'impression d'avoir un inconnu avec elle, un inconnu monstrueux. Elle attendit qu'il quitte la pièce pour reprendre son souffle et éclater en sanglots. Une fois calmée elle prépara le dîner et tous les deux mangèrent en silence. L'heure de se coucher arriva, Joachim se lava les dents et s'allongea sans un bruit. Madeleine était à la porte de la chambre, elle le regardait se coucher, comme pour être sûre qu'il n'avait pas l'intention de l'attaquer pendant la nuit. Elle lui fit un signe de la main et après avoir éteint la lumière elle entendit dans la pénombre ces quelques mots: 

"A partir de maintenant je voudrais que tu m'aimes."

Des larmes montèrent jusqu'au bords de ses yeux. Elle l'aimait, enfin elle le voulait, mais après toutes ces années de chagrin elle ne savait plus ce que c'était que d'aimer son enfant. Comment avait-elle pu oublié le bébé qu'elle avait tant adoré? Elle étouffa ses sanglots dans sa main et ferma la porte. Un tout nouveau Joachim venait de naître dans cette chambre, au milieu des animaux, des couteaux et des entrailles. Un nouveau Joachim qu'elle essaierait d'aimer, parce qu'elle n'en avait pas le choix.

Aimer ou être clouée au mur, voilà à quoi se résumait sa vie à présent. 

JoachimWhere stories live. Discover now