➣ 𝒓𝒆́𝒎𝒊𝒏𝒊𝒔𝒄𝒆𝒏𝒄𝒆

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RÉMINISCENCE 2

janvier 1935, rome, italie

LA PORTE DE LA CHAMBRE s'ouvrît sur le visage soucieux de Tiberius Regilis, le patriarche de la noble famille romaine, du sang de l'antique Empire. Il avait à faire en ce jour d'hiver, alors que la neige recouvrait la pierre du Colisée, qui faisait face à leur demeure, dissimulée par un sortilège. Oh oui, il avait des tonnes de choses à faire : terminer de rembourser l'emprunt qu'il devait à la banque Alfieri, compléter la paperasse liée au déménagement prochain de la famille dans le Nouveau Monde, gérer la maisonnée et tous les elfes qui n'en faisaient qu'à leur tête.

Et pourtant, suite aux demandes incessantes de sa charmante femme, il avait décidé de mettre ces occupations de côté afin de se renseigner sur l'état de son fils aîné. Livia ne cessait de lui retourner la tête, tous les soirs c'était la même rengaine. August refusait de quitter sa chambre, sous aucun prétexte. S'il avait eu quelques années de plus, Tiberius aurait mis cela sur le dos de l'adolescence. Mais le petit garçon que son fils aîné était cachait certainement autre chose.

Ainsi le voilà, alors que le midi n'avait même sonné. Il avait traversé le couloir bordé de statues mouvantes, tantôt effrayantes, tantôt de toute beauté, pour rejoindre la chambre de son fils. Et il avait frappé à la porte. Une. Deux fois. Aucune réponse. En tant que père, il avait alors estimé qu'il avait tout à fait le droit d'entrer dans demander l'avis d'August, c'était ce qu'il avait fait.

La chambre était parfaitement rangée. Rien ne dépassait des étagères. Seul un épais livre d'études des runes avait été ouvert sur le petit bureau de bois. Rien au sol. Rien sur le lit. Mis à part la petite tête blonde d'August Regilis, l'esprit voguant dans l'océan de son imagination, les yeux tournés vers la fenêtre fournissant la seule lumière de la pièce.

Il toussa pour attirer l'attention de l'enfant, rien n'y fit. C'est dans ces moments là que Tiberius se rendait compte qu'il avait failli à ses devoirs de père durant toutes ses années. Mais lorsqu'on était le chef de l'une des plus puissantes familles de sorciers d'Europe, il fallait faire des sacrifices. Parfois lourds.

— August ? tenta-t-il, d'une voix doucereuse. Ta mère m'a dit que ça n'allait pas en ce moment.

Le blondin se renfrogna. Son père s'attendait à des remontrances, à se faire renvoyer de cette pièce dont il n'était pas le maître. Pourtant, le garçonnet se contenta s'ouvrir la bouche, prononçant ces mots :

— Je m'ennuie.

Tiberius haussa l'un de ses sourcils broussailleux. C'était tout ? Son fils s'ennuyait ? Il était vrai qu'il semblait impatient d'obtenir sa première baguette afin de commencer à pratiquer cette magie qui le fascinait tant. Mais de là à ne trouver aucune autre occupation...

— Pourquoi ne vas-tu pas t'amuser avec tes frères et sœurs ?

— Numerian est un idiot, marmonna l'enfant. Et Agrippine ne pense qu'à ses poupées.

Tiberius se frotta le crâne, incompréhensif. Enfant, il s'entendait très bien avec son cadet, Claude, ainsi, il n'avait jamais ressenti cette sensation. L'ennui, le vide de l'esprit, l'absence de tout sentiment agréable. Juste le temps qui passe. Lentement.

Il ne pouvait obliger son fils à fréquenter sa fratrie, malheureusement. Le mettre d'encore plus mauvaise humeur n'apporterait rien de bon. Il pourrait peut-être demander à un elfe de la maison de le divertir ? Non, il n'aurait droit qu'aux remontrances de Livia. Hors de question qu'un membre de leur noble famille s'abaisse à s'amuser avec l'une de ces abjectes créatures.

WINTER'S SONG ━━ ʷᶤᶻᵃʳᵈᶤᶰᵍ ʷᵒʳˡᵈWhere stories live. Discover now