Chapitre 19

76.1K 3.9K 934
                                    

CHAPITRE 19

Cher Journal,

N'y a-t-il donc aucun moyen de se défaire de cette douleur appelée  culpabilité  ?

Est-ce que les personnes, ayant perdu des proches par un malencontreux accident ou bien par inadvertance, sont obligées de vivre avec cet horrible sentiment qui les hante chaque jour ? Ce mal-être d'être encore en vie, cette souffrance de vivre alors qu'un de nos proches est mort ou au bord de la mort...

Est-ce ce à quoi elles sont condamnées ? Est-ce ce à quoi je suis condamnée ? Suis-je vraiment condamnée à me rappeler ce moment, à pleurer toutes les larmes de mon corps jusqu'à ne plus pouvoir tenir debout ? Y a-t-il un remède à ce malheur, y a-t-il une possible échappatoire ? Suis-je vraiment condamnée à mentir à mes amis, à ne pas leur avouer mon malheur et de les laisser s'imaginer de possibles scénarios ? L'un des risques de ne rien dire est que les gens qui vous entourent vont mal interpréter votre silence : vous êtes fatigué, vous êtes ennuyé, vous êtes en dépression, vous êtes malade, vous êtes timide...Quand les gens ne peuvent pas vous lire, ils écrivent leur propre histoire sur vous, pas forcément la plus rationnelle, pas forcément celle que vous avez choisi, pas forcément la vraie histoire, mais ils écrivent une histoire pour combler la raison de votre silence.


Cela faisait deux semaines que j'avais tout raconté à Jace. Je me sentais légèrement libérée, je savais qu'il était là pour m'écouter, mais j'étais toujours aussi malheureuse. Jace ne me parlait pas souvent, ou plutôt je ne lui parlais pas souvent. Par contre, chaque soir, ne voulant pas affronter mes démons, je frappais à sa porte et je dormais avec lui. Une sorte de gêne s'était installée entre nous depuis qu'il m'avait embrassé. Ce soir-là, j'étais terriblement dévastée et je n'arrivais pas à me calmer. Mais le lendemain, Jace m'avait fait comprendre qu'il voulait juste me calmer.Son baiser était doux et cela n'avait fait qu'agiter dix fois plus les papillons dans mon ventre. Cependant, je ne savais pas ce que je faisais ce soir-là.

Dormir avec Jace était devenu un rituel, mais seulement pour me calmer. Dormir avec la seule personne qui me comprenait dans ce lycée était un moyen de me rassurer, et d'éviter de me trancher les veines encore une fois.
Mes cicatrices aux poignets étaient encore bien visibles et je savais qu'elles ne partiraient sans doute jamais. Mes parents l'avaient donc remarquée et m'avaient quelque peu grondée. Mon père m'avait amenée à l'hôpital et j'avais pu revoir mon frère.

Nous voilà donc un lundi matin.

Je me dirigeais vers mon cours de physique quand je croisais Luc.

- Hey  m'interpelle-t-il

- Hey  répondis-je.

- Je voulais te demander quelque chose princesse, me dit-il.

Il me surplombe de sa hauteur, il était magnifique et je me demandais pourquoi il traînait avec moi alors qu'il pouvait avoir toutes les filles du lycée.

- Oui ?

- Viens avec moi ce soir, je t'emmène quelque part, dit-il.

- Oh... hum... je ne pense pas que...  commençai-je, mal à l'aise en train de triturer les lanières de mon sac à dos.

- S'il te plaît !  s'exclama-t-il avec un air de chien battu.

- Juste ce soir, après je t'embête plus, dit-il avec l'un de ses sourires

Je restais quelques secondes à réfléchir et décidais finalement d'y aller. Après tout, c'était juste pour un soir et après il me laisserait tranquille.

- Okay, dis-je.

- Je passe te chercher à 18h30 princesse !  dit-il en me faisant un bisou sur la joue et en partant.

Plusieurs filles sans doute jalouses me tuaient du regard. Pff...

Je rentrais en cours et m'affalais dans ma chaise en regardant dehors. Je ne fais même pas attention à Alice qui était dans le même cours que moi. Je m'étais un peu détachée du groupe ces temps-ci, il semblait se douter que quelque chose clochait dans mon comportement. On n'était pas fâché, mais il ne me comprenait pas, et je n'attendais pas d'eux qu'ils me comprennent. Juste que j'étais mieux seule au lycée en ce moment, alors ils avaient décidé de me laisser un peu d'espace.

Le prof commença son cours et je m'évadais peu à peu dans mon monde, jusqu'à ce que quelqu'un frappe à la porte. Le prof alla ouvrir et je vis Haylay et l'un de ses petits caniches qui la suivaient partout.

- Oh, désolée monsieur, mais j'avais pas vu l'heure. Une fille comme moi a besoin de temps pour se préparer, je ne voudrais pas arriver en mode clocharde au lycée comme certaines  dit-elle en me lançant un regard méchant.

Je ne faisais pas attention et me plongeais dans mon monde.

- Très bien, allez-vous asseoir à côté de mademoiselle Collins, et vous mademoiselle Brooks à côté de monsieur Toms, ordonna le professeur à la peste et à son petit toutou.

Oh non, pas elle à côté de moi... Pas Haylay !
L'air dépité, elle s'assit à côté de moi.

- Reste loin de moi clocharde, me lança-t-elle.

Pitoyable.

Après quelques minutes de cours, le professeur nous
demanda d'écrire ce qu'il dictait.

- Oh... mais mademoiselle se taille !  railla Haylay en regardant mes poignets, elle avait l'air amusé.

Oh non... Je devrais vraiment apprendre à cacher ces cicatrices. Je suis parfois idiote parfois !

Je cachais mes poignets et continuais d'écrire.

- Pauvre fille !  rigola Haylay

La journée a été banale et lorsque le temps vint pour moi de me préparer pour mon rendez-vous avec Luc, j'étais quelque peu perdue. Que devrais-je mettre ? Et... était-ce vraiment un rendez-vous ? Je décidais finalement d'enfiler une robe noire toute simple aux bretelles fines.
Jace, bizarrement, n'était pas revenu au chalet depuis la fin des cours.

PDV JACE

Je sortis du lycée prêt à aller me poser au chalet de mon meilleur ami, Noah, quand la CPE m'a abordé.

- Jace, votre père souhaite vous voir dans son bureau, me dit-elle

Mon père ? Depuis quand se souciait-il de moi ?
Mon père était l'un des investisseurs et l'un des directeurs de cette immense école qui comporte un collège et un lycée, avec actuellement deux directeurs.
Qu'est-ce qu'il me voulait celui-là ?

Je suivais la CPE jusqu'au bureau de mon père et entrait sans frapper.

- Fiston ! Assieds-toi, je t'en prie, me dit gentiment mon père en montrant la chaise devant son bureau.

Son numéro ne marchera pas avec moi.

- Qu'est-ce que tu me veux ? 

- J'ai entendu dire que tu te permets de sécher les cours parce que je suis directeur, est-ce vrai ?  demanda-t-il quelque peu énervé.

Quoi ? C'est tout ? Il voulait juste me parler de ça ?

- Je sèche parce que j'en ai envie et non parce que t'es le directeur. Et depuis quand tu te soucies de ton fils ?  dis-je méchamment.

- Fais pas l'arrogant Jace, j'essaye au mieux de m'occuper de toi. La mort de ta mère m'a aussi affecté, il n'y a pas que toi dans l'histoire, ose-t-il dire

Il a parlé de ma mère, j'en ai trop entendu. Un élan de colère m'envahit.

- Parce-que pour toi laisser son fils vivre dans une école merdique alors qu'on habite même pas à deux minutes d'ici et ça pendant trois ans, c'est normal ? Tu ne viens jamais me voir ou me parler, tu agis toujours comme un supérieur et jamais comme un père avec moi ! criai-je.

- Jace ! Je fais ça pour te préserver ! Revenir à la maison ne fera que te rappeler de mauvais souvenirs de ta mère alors qu'on doit avancer, on doit arrêter de s'apitoyer sur notre sort. Ce qui est fait est fait,

- De mauvais souvenirs ? Ha, tu me fais rire ! Il n'existe pas de mauvais souvenirs de maman... C'est de ta faute, tu es coupable et tu refuses de l'avouer alors tu m'abandonnes comme tu l'as fait avec elle, crachait-je avec un ton extrêmement calme pour la situation.

Je sentais mes yeux s'humidifier, pas parce que j'étais triste, mais parce que ma colère était trop forte. Malgré tout, je ne laissais échapper aucune larme.

-  Comment oses-tu ? Ta mère t'a vraiment mal élevé !  dit-il en se levant de sa chaise.

Si je ne m'en vais pas maintenant, je vais exploser. Je m'apprêtais à quitter le bureau, mais je me retournais une dernière fois.

- Sache que je ne te considère plus comme mon père depuis que tu as commencé à m'ignorer !  dis-je entre mes dents puis en claquant la porte de son bureau.

FLASHBACK

INKED (En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant