Un ours et un écureuil

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Je suis sur le chemin du centre commercial avec Erin. J'aurais simplement pu passer chez moi et prendre les quelques rares affaires de foot que je possède, même si la plupart est ravagée par les mites... Mais elle a insisté pour m'offrir un équipement professionnel complet. Je me sentais gênée... Je me suis promis de la rembourser dès que je le pourrais.

E : "Dis-moi quels sont tes joueurs préférés Tobin ?"
T : "J'aime beaucoup les joueurs brésiliens et ceux d'Arsenal."

Erin hocha la tête et se contenta de sourire.

Elle se gara sur le parking et me tira dans un magasin Nike. Alors que je regardais les prix les plus bas pour ne pas alourdir la note déjà salée, Erin me tendit plusieurs tenue et me poussa dans les cabines d'essayage. J'en choisis une noire et blanche.

Nous sommes passées en caisse puis dirigées vers un autre magasin pour m'acheter des crampons.

E : "Si tu veux pouvoir suivre ma sœur sur le terrain tu as intérêt d'avoir une bonne paire de chaussures. Kelley est une des joueuses les plus rapides du circuit."

J'ai avalé difficilement en imaginant déjà la raclée que j'allais me prendre...

T : "Erin... Je voudrais acheter un petit quelque chose à Kelley. Je sais qu'il ne me reste pas beaucoup d'argent mais peut-être que cela pourra briser la glace entre elle et moi."
E : "Viens je sais ce que tu devrais lui acheter."

Elle me traîna dans un magasin de jouet pour enfant. J'étais un peu étonnée parce que tout cela ne ressemble pas à la Kelley que j'imaginais.

E : "Comme je te l'ai dit hier, Kelley n'a pas vraiment eu d'enfance. Peut-être que tu pourrais lui en apporter une petite partie. Je suis sûre qu'elle apprécierait.
T : "Qu'est-ce que tu me conseilles ?"
E : "Si tu veux vraiment lui acheter quelque chose qui la touchera à coup sûr, achète ça." dit-elle en pointant une étagère de peluche.

Je glousse intérieurement en pensant à Kelley avec une peluche.

T : "Laquelle je prends ? L'ours ou l'écureuil ?"
E : "L'écureuil !" dit-elle en riant.
T : "Pourquoi ai-je l'impression qu'il y a une histoire là-dessous ?"
E : "Parce que c'est le cas. Tu veux la connaître ?"
T : "J'adorerais."

J'ai regardé un peu plus longtemps l'ours en peluche et l'ai reposé car mes larmes commençaient à couler.

Mon ventre gargouilla ce qui me fit rougir pendant qu'Erin riait.

E : "Allons manger un morceau et je te raconterai l'histoire."

Nous sommes descendues d'un étage pour trouver l'endroit de restauration. Erin commanda deux cafés et deux muffins aux pépites de chocolat.

T : "Alors quel est le lien entre Kelley et les écureuils ?"
E : "Kelley a toujours aimé la nature. Quand elle était petite elle passait tout son temps libre seule, dehors, à explorer tous les recoins possibles et imaginables du terrain derrière notre petit appartement. Mais elle était aussi une enfant pleine d'énergie... Et je la perdais souvent de vue. Elle se faufilait tout le temps dans le jardin des voisins. La plupart d'entre eux étaient cools donc ils la laissaient vagabonder comme elle le voulait. Ils étaient même impressionnés par ses connaissances en matière de plantes et d'animaux. Ses préférés sont les écureuils. Elle adorait les suivre en imitant leur démarche. Son passe temps favori ? Grimper dans les arbres avec eux. Tout le monde la prenait en photo et l'appelait l'écureuil. Certains voisins lui avaient même donné des albums photos et des livres sur la nature et ses animaux préférés. Kelley était heureuse et oubliait un peu le désastre de nos vies...

Je n'ai pas pu m'empêcher de rire en imaginant Kelley dans un arbre.

E : "Tout allait bien jusqu'au jour où nous avons changé de voisins... Même si je les avais prévenus, qu'elle faisait souvent ça et que cela était sans danger pour eux, ils n'ont pas vraiment apprécié et ont menacé Kelley de porter plainte si jamais elle franchissait leur palissade. Un soir je suis rentrée chez nous et j'ai reçu un appel disant que Kelley avait été arrêtée pour intrusion chez autrui."
T : "Ils sont cons eux !"
E : "Oui totalement. Je suis donc allée la chercher au commissariat et elle m'a raconté qu'elle voulait seulement suivre le petit écureuil comme elle faisait toujours, mais qu'elle était tombée à cause d'une branche glissante. A partir de ce jour Kelley n'a plus jamais été la même. La petite fille joyeuse et amoureuse de la nature avait disparu... Elle ne sortait plus et avait peur de tout le monde. Elle craignait de faire quelque chose de mal et me demandait toutes les cinq minutes si c'était le cas. Elle n'osait même plus sortir sur le terrain où elle aimait aller. Je la trouvais souvent assise devant la fenêtre à regarder dehors avec envie. Techniquement rien ne lui interdisait d'y aller et de s'amuser comme avant sans pour autant atterrir dans le jardin d'à côté, mais Kelley en avait fait une peur viscérale."
T : "De sortir ?"
E : "Pas de sortir. Mais sortir pour s'amuser."
T : "Oh..."
E : "Elle ne quittait jamais l'album photo d'elle en train de courir derrière les écureuils. Tous les livres qu'elle a reçu sont dans la bibliothèque de la maison."
T : "Kelley est tellement douce par rapport à l'image qu'elle renvoie."
E : "Elle s'est forgée une carapace... Mais au fond elle est comme toi. Si tu parviens à l'approcher, tu apprendras beaucoup auprès d'elle."
T : "Elle m'a déjà appris beaucoup plus que je n'avais imaginé."
E : "Parce qu'elle t'a fait découvrir l'amour c'est ça ?"

Je l'ai regardée horrifiée par ce qu'elle venait de dire.

E : "Kelley et toi avaient simplement peur parce que c'est nouveau pour vous. Tobin je me fiche de savoir si la personne qu'elle aime soit un homme ou une femme, tant qu'il ou elle la rend heureuse."
T : "Erin, je ne peux pas lui faire du mal sans m'en faire à moi."
E : "J'espère que ma sœur s'ouvrira à toi. Mais je veux que ce soit bien clair. Kelley t'a menacée de devenir ton pire cauchemar si tu me faisais du mal mais si jamais tu blesses ma sœur, peu importe la manière, je te jure que je ferai en sorte de te briser les os un par un. Compris ?"

J'ai instinctivement reculé et ai fini par tomber de ma chaise.

Erin me tendit la main pour m'aider à me relever, en riant aux éclats.

E : "Je prends ça pour un oui." gloussa-t-elle.
T : "Vous êtes des dingues les O'Hara !"

Erin me gifla amicalement le bras et me dit qu'elle devait aller aux toilettes.

Pendant qu'elle était partie j'ai fini mon café mais ai gardé la moitié de mon muffin pour plus tard.

Erin revint une quinzaine de minutes plus tard avec deux sacs. J'ai froncé les sourcils en la regardant s'asseoir.

E : "Je sais que ta présence ici chamboulera complètement ma sœur. Je sens que tu es la personne dont elle a besoin."
T : "Mais tu es sa sœur."
E : "Je voulais dire que tu es la personne qu'aimera son cœur. J'espère bien que ce ne sera pas avec moi qu'elle voudra coucher !"
T : "Euurk !!" dis-je en pinçant du nez.

Elle posa les deux sacs devant moi.

E : "Prends-les c'est pour toi."

J'ai regardé dans le premier sac et ai sorti un deux maillots... Un de Ronaldinho et un d'Arsenal. Mes yeux recommencèrent à pleurer...

E : "Tiens j'ai encore quelque chose pour toi." dit-elle en me tendant le second sac.

J'ai plongé la main dedans et attrapé une chose toute douce. En le sortant j'ai vu que c'était l'ours en peluche que j'avais reposé tout à l'heure.

T : "Pourquoi m'as-tu acheté tout cela ?"
E : "Les maillots, prends ça comme un cadeau de bienvenue au lycée."
T : "Et l'ours ?"
E : "J'ai remarqué que l'ours en peluche t'avait bouleversée tout à l'heure. Comme pour Kelley je pense qu'il y a une histoire dessous."
T : "Quand je suis née, mon père m'a offert un ours en peluche. Je ne le quittais jamais, il m'accompagnait partout, même aux toilettes..."

Erin me regarda et craignit la suite.

T : "Quand mes parents sont morts, je n'ai pu prendre avec moi que l'ours. Je ne voulais pas le laisser car il était le dernier lien avec mes parents. J'ai été placée dans une famille d'accueil et chaque fois que je pleurais parce que mes parents me manquaient, ils me battaient. Un jour ils m'ont pris mon ours et l'ont brûlé devant moi pour me punir de ne pas avoir servi leur dîner plus vite..."

Erin me serra dans ses bras alors que cette fois-ci je pleurais pour de bon.

E : "Maintenant je dois m'occuper d'un écureuil et d'un ours." rit-elle.

La naissance d'une légendeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant