Journal d'un humain

Chapitre 70

   Le silence était prenant. Les égouts dans lesquels je me trouvais dégageaient une odeur ignoble d'excréments. Au fond du sombre et étroit tunnel, résonnait l'écoulement régulier de gouttes d'eau. Un endroit terrifiant. Pourtant je n'y apportais aucune importance. J'étais aveuglé par la haine.

   Ce fils de pute venait d'ouvrir les yeux. Je l'avais attaché à un tuyau, à l'aide d'une corde et de ruban adhésif. Les voix dans ma tête n'arrêtaient pas de me répéter sans cesse de le tuer. Oui, il allait mourir. Je ne pouvais pas le laisser vivre. Pas après ce qu'il a fait.

   _Quel est ton nom ? avais-je demandé.

   Il ne répondait pas, alors je l'ai frappé.

   _Dis-moi ton putain de prénom ! répétais-je.

   _Lincoln Henry, répondait le flic. Où suis-je ? Relâchez-moi !

   _Ta gueule ! Tu la fermes !

   Un silence.

   _Alors comme ça tu as un nom... Tu es bel et bien un humain...

   _Je...

   _Tu es un humain et pourtant tu as été capable de commettre un crime ! Tu l'as tué ! T'as tué Anaelle ! Je te le pardonnerais jamais ! Tu vas me le payer !

   _Je n'avais pas le choix ! Soit c'était elle, soit c'était mon collègue...

   _Elle se rendait ! Elle répétait qu'elle ne pouvait plus respirer ! Ton connard de collègue aurait du la relâcher ! Il l'étouffait ! T'as buté une innocente, espèce de fils de pute !

   _C'est marrant, venant d'un type qui a buté sa propre mère.

   Mon poing le percuta de nouveau en plein visage.

   _Ce n'est pas moi qui ai tué ma mère, c'est vous !  Vous, le gens adeptes de cette société de merde ! Vous, qui vous marchez les uns sur les autres pour  parvenir à vos besoins ! Vous, qui faîtes passer l'argent avant votre propre amour ! Vous, qui n'acceptez pas les personnes n'entrant pas dans les normes ! Vous-mêmes, qui faites la guerre, qui lancent des critiques, dénigrent les autres ! Vous, qui détruisez notre planète, qui massacrent les espèces !  C'est à cause de vous et personne d'autre ! C'est vous qui aviez fait de moi ce que je suis ! Vous m'avez transformé en monstre !