L'arène

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TW: Pédophilie, meurtre, torture, suicide

Traduction WP: Vous vivez dans une société où la peine de mort est légale, mais où il y a la possibilité pour chaque personne ayant subi un préjudice fort de se battre avec l'assassin d'un proche, dans une arène spécialement construite dans ce but, avec un assortiment d'armes spécialement prévues pour ça. Vous rencontrez, pour la première fois, la personne qui a tué votre fille.

Le jour se levait timidement, presque comme apeuré d'éclairer ce monde si sale et si monstrueux. Je n'avais pas dormi malgré les recommandations de la prison. Ils m'avaient envoyé un courrier manuscrit, comme pour cacher la déshumanisation des mots qu'ils m'avaient assénés.

"L'assassin de votre fille, Lucie, a été retrouvé. Vous pouvez décider d'appliquer sa sentence vous-même. Si tel est votre choix, merci de vous présenter mardi deux juillet à neuf heures à l'arène du lion. Une liste de recommandations est jointe à ce courrier. Merci de ne pas les négliger.
En vous souhaitant bonne réception,
Juge Hastings."

Tout mon monde s'était effondré quand on m'avait retiré Lucie. Elle était comme un pilier qui soutenait ma réalité. J'avais fait bonne figure face aux autres, acceptant avec résilience les diverses condoléances, enlaçant les proches éplorés, affichant ce que les autres interprétaient comme un grand courage. En réalité j'étais dans le déni le plus intense. Chaque nuit, je m'éveillais en croyant entendre ses pleurs ou ses rires. Félix m'avait quittée après le départ de Lucie. Je ne pouvais pas lui en vouloir, la situation était vite devenue aussi épineuse qu'un buisson de ronces. Je n'arrivais pas à sortir le nez de cette affaire.  J'avais cherché avec la rage au ventre qui, ô seigneur, qui avait pu me retirer mon enfant, le fruit de mes entrailles.
Quand Lucie n'est pas rentrée de l'école ce soir-là, Félix avait essayé de tempérer mes angoisses maternelles. Il avait pris la voiture et s'était rendu devant l'école de notre enfant. Quand je reçus un appel de sa part, je m'attendais à entendre la voix de notre puce qui allait me dire qu'ils étaient en chemin. Il n'en fut rien. On me demanda de venir dans le bois près de l'école. J'avais trouvé cet ordre saugrenu mais m'y étais pliée. Quand j'arrivai au point de rendez-vous, j'eus le temps de voir un petit corps être embarqué dans une ambulance. Mes angoisses les plus violentes ressortirent. Félix avait retrouvé le corps. Elle avait été traînée ici par la force puis assassinée d'un coup de couteau dans la poitrine. Le geste était incompréhensible, qui en aurait après une enfant comme Lucie? Je n'arrivais plus à intégrer un traitre mot de ce que me disait le policier. Je ne pleurai pas. J'étais dans un état bien au-delà des larmes.

On avait cherché longtemps son meurtrier. Cela faisait un an que Lucie avait été retrouvée dans le bois. J'avais reçu cette lettre comme on reçoit une facture d'électricité. Malgré l'intensité de mes recherches, le fait de l'avoir retrouvé ne me fit ni chaud ni froid. Ce fut le lendemain que je me décidai: j'allais affronter son meurtrier. J'allais le tuer d'une main froide. J'allais enfin voir le visage de son assassin. J'allais le faire hurler de douleur.

Les arènes avaient été construites au début du siècle pour satisfaire les envies de vengeances des familles de victimes. Dans ma ville on en comptait quatre: l'arène du crocodile, celle de la vipère, celle du faucon, et enfin, celle du lion. Chacune avait ses spécificités et on y était affectés suivant l'âge de la victime. Celle du lion prenait en charge les infanticides. De nombreuses familles de victime faisaient de cet événement un spectacle grandiose. Ils invitaient famille proche et éloignée, amis et connaissances pour assister à la revanche qu'ils présentaient comme un juste retour des choses. Je n'avais pas choisi d'inviter qui que ce soit mais de laisser l'événement ouvert au public. Les infanticides voyaient souvent leur arène se gonfler de badauds qui avaient seulement entendu parler de l'affaire en question.
Quand je me présentai face aux membres du gouvernement qui géraient l'arène du lion, ils devaient s'attendre à voir une jeune mère éplorée avec un éclair de vengeance dans les yeux. Cependant, ils assistèrent à l'arrivée surréaliste d'une personne calme, le visage maquillé, des habits bien repassés et un air apaisé. Bien sûr il ne s'agissait là que de faux semblants, je voulais garder ma haine pour ce fils de putain qui avait osé toucher au fruit de mes entrailles. On me mena devant un bureau où je présentai ma carte d'identité, mes différentes attestations. Je pouvais déjà entendre le brouhaha qui s'installait dans les gradins. L'heure était venue. Je suivis par la suite un homme qui semblait nerveux de me voir si bien apprêtée. Il ouvrit une porte et me laissa seule. J'avais devant moi une collection d'armes à faire pâlir l'armée. Des armes à feu, des armes blanches, des couteaux de toutes tailles, des choses dont je n'osais même pas imaginer l'utilisation. Je fis mon choix. Un membre de l'équipe entra dans la salle et me dit d'une voix d'outre-tombe:

𝑳𝒆𝒔 𝑰𝒏𝒗𝒊𝒔𝒊𝒃𝒍𝒆𝒔Where stories live. Discover now