Aloys (Tome 3): Lie and The End

Chapitre 16 (1/2)

Je suivis Blue jusqu'à la crête qui surplombait légèrement la place sur laquelle s'accumulait inlassablement l'armée de Lilith. Seule les premières lignes paraissaient en état de se battre, les dernières se remettaient difficilement de leur traversée de portail. Certaines étaient même pliées au sol, une main posée sur leur ventre et l'autre sur leur bouche dans le vain espoir de retenir la nausée qui menaçait de leur faire rendre leurs tripes. D'autant que le spectacle du massacre de notre « comité d'accueil » ne devait pas aider. Shame trépignait d'impatience, prête à se jeter dans la mêlée seule s'il le fallait, mais Frost la calma d'un regard réfrigérant. L'Hydre ne la jouait pas solo, il fallait attendre que la majorité de leur armée soit prête à se battre.

— Sont-ils nombreux ? me demanda Blue en désignant le parc désert qui s'étendait de la place au palais de Phoenix.

            Je fermai les yeux un instant et tentai de capter l'énergie de ceux qui nous entouraient. L'opération se révéla légèrement plus compliquée que d'habitude, l'énergie de mes doubles saturait tous mes sens, me ramenant sans cesse en arrière vers cette masse de pouvoir surréaliste. J'accentuai un peu plus mes efforts et pendant une fraction de seconde j'eus l'impression que mon crâne prenait feu tandis que je poussais ma perception un peu plus loin. Le manque d'entraînement me poussa rapidement à rouvrir les yeux pour interrompre le phénomène. Le domaine de Phoenix était beaucoup plus grand que ce que mon pouvoir me permettait de parcourir. J'avais une idée assez précise de ce qui se trouvait à quelques centaines de mètres de nous, mais je n'avais pas pu aller plus loin. J'essuya discrètement le sang qui coulait de mon nez avant de répondre. Je n'avais pas besoin d'attirer l'attention sur le fait que je ne prenais pas docilement mon traitement.

— Plusieurs dizaines là-bas, l'avertis-je en désignant l'immense édifice qui faisait lieu de maison à Phoenix. Et quelques dizaines éparpillées autour. Je pense que le gros de l'armée se trouve plus loin.

            Ce qui était une bonne nouvelle pour moi. Il fallait absolument que je trouve un Noerie capable de délivrer un message à Hadriel. Ils ne pouvaient plus défendre cet endroit, leur avantage avait disparu à l'instant précis où ils avaient perdu le contrôle du portail. Il fallait absolument qu'ils concentrent leur force autour des artéfacts. Lilith m'avait peut-être demandé de les récupérer, mais si son armée entière perdait cette bataille, elle ne serait plus en mesure de m'en faire porter la faute et d'appliquer sa menace. Du moins c'était ce que j'espérais...

À mon grand soulagement, il ne fallut pas longtemps avant que l'on entende une alarme résonner autour de nous. Elle ne provenait pas d'une direction particulière, c'était comme si le ciel lui-même s'était mis à hurler pour prévenir de notre arrivée. Les Noeries savaient. Il ne me restait plus qu'à fausser compagnie à Blue et à isoler l'un d'entre eux.

— C'est parti ! s'écria Shame en s'élançant vers le palais de Pheonix, suivie de près par Lemon et Frost.

            Blue souffla, agacée par son impatience et d'un signe de main, elle fit signe à l'ensemble de l'armée de se mettre en marche. Rapidement, le groupe se scinda en plusieurs petites équipes et chacune s'élança dans une direction différente. Le portail continuait à cracher ses passagers sans délicatesse tandis que la place se vidait, mais il n'y avait parmi eux plus aucune tête rousse. L'Hydre était passée et Phoenix faisait maintenant son entrée. Blue agrippa mon bras et me poussa en avant.

— Il ne faut pas rester isolé des autres, lâcha-t-elle simplement en jetant un regard mauvais en arrière.

            Décidément, elle n'avait aucune confiance en nos « alliés » et je ne pouvais qu'être d'accord avec elle.

             Nous trottinions à un rythme soutenu à la suite de notre armée de clones quand une ombre gigantesque masqua les deux astres qui faisaient office de soleil, nous plongeant dans une nuit irréelle. Cela fut de courte durée, au moment où chacune de nos têtes se levèrent vers cette ombre, un déluge de feu s'abattit sur nous. Ce n'était pas un dragon, mais des centaines et ils fonçaient droit sur nous ! Blue eut tout juste le temps de m'attraper la main pour nous téléporter sous une arche de pierre à quelques mètres de là. On entendit des cris, des hurlements d'agonie qui me transpercèrent l'âme et réveillèrent à eux seuls des souvenirs aussi douloureux qu'effrayants. Les jardins, si luxuriant quelques minutes plus tôt, n'étaient plus qu'un rideau de flammes. La chaleur était insoutenable, et la fumée me prenait à la gorge.