Chapitre 16 (2/2)

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— Quand on est l'avorton de la portée, on évite de s'éloigner des autres, lâcha Reed avec un sourire moqueur qui lui fendait le visage d'une drôle de façon.

            On aurait dit que son visage tout en angles était trop étroit pour sa propre bouche, ce qui rendait son sourire quelque peu grimaçant. L'homme qui l'accompagnait, aussi massif qu'un tronc laissa échapper un petit ricanement en me lorgnant avec mépris. J'étais prise au piège, mon seul moyen de repli se trouvait dans leur dos et je doutais de pouvoir l'attendre avant de m'être débarrassé d'eux. L'endroit était étroit, ce qui était loin de me donner l'avantage, il était dangereux de jouer avec la foudre dans un espace si confiné. Bien sûr je pouvais toujours abattre les rangés de haies qui me séparaient du véritable champ de bataille, mais je risquais tout aussi bien de leur attirer des renforts.

            Par instinct, mon premier réflexe fut de dresser un bouclier entre nous, mais la douleur qui se répandait dans mon corps m'en empêcha. Mes muscles, tétanisés par l'influx nerveux parvenaient difficilement à m'obéir et j'avais toutes les peines du monde à réfléchir correctement alors que ces griffes invisibles me transperçaient la peau. C'était comme l'avait dit Blue, il s'attaquait directement à mes nerfs, mais la douleur elle, n'avait rien d'une illusion, c'était bien réel. Son acolyte approcha d'un pas conquérant, et il dégaina une petite lame recourbée aux allures de faux miniature. Il s'attendait visiblement à pouvoir se débarrasser de moi sans problème, mais lorsqu'il fut suffisamment proche pour que je sois certaine de le toucher, je laissai le feu qui me rongeait s'échapper sous la forme d'un éclair. Je sentis la brûlure au niveau de mon ventre me faire payer ce manque de contrôle, mais la douleur qu'elle provoqua se noya au milieu de celle que m'infligeait Reed. Quant à cet homme trop sûr de lui, il jonchait le sol, totalement inerte. Si le coup ne l'avait pas tué, il allait probablement être hors course pendant un bon moment.

— Je...ne...suis...pas...l'avorton, grinçai-je en desserrant péniblement les dents.

            Reed lança un regard en biais à son partenaire et son sourire se tordit d'une véritable grimace cette fois-ci. Puis son regard perçant de rapace se planta sur moi et je sentis son énergie s'accumuler un peu plus dans mon corps. La douleur augmenta subitement, m'arrachant un hoquet de douleur. Mon cœur s'emballa et tapa rageusement contre ma poitrine comme s'il cherchait à s'enfuir. Si je ne réagissais pas vite, j'allais subir le même sort que les élémentaires et mon palpitant finirait par lâcher ! Il fallait absolument que je réagisse ! Mais rien n'y faisait, il était trop loin pour qu'un éclair lancé au hasard ne l'atteigne et mon bouclier refusait obstinément de faire son job. Même la télékinésie ne m'était d'aucun secours, mon esprit ne parvenait pas à se focaliser suffisamment longtemps sur un objet pour le faire bouger de plus de quelques centimètres à la fois. Mes poumons avaient de plus en plus de mal à se remplir, j'étais en train d'étouffer, et mes jambes cédèrent sous mon poids. Je me retrouvai à terre, une main accrochée à mon cou dans un geste désespéré, incapable du moindre mouvement et mon cœur, gagné par ma propre panique accélérait chaque seconde un peu plus.

            J'aurais voulu hurler, appeler à l'aide, ou même le supplier d'arrêter, mais ma bouche, à l'instar du reste de mon corps était paralysée par une douleur irréelle. Tous mes nerfs avaient pris feu et je n'avais aucun moyen d'arrêter ce phénomène. Puis soudain, tout s'arrêta aussi nettement que si on venait de me lancer un sceau d'eau froide au visage. La douleur avait disparu, ne laissant derrière elle qu'un corps endolori et couvert de sueur. Je toussai lorsque l'air gonfla de nouveau mes poumons et mon cœur toujours lancé à vive allure, reprit peu à peu son calme. Je me redressai lentement, la tête me tournait encore et mon corps tremblait nerveusement. Je pris une éternité à comprendre ce qui s'était passé. Comme si le cadavre désarticulé de Reed qui s'était enfoncé dans l'abri de jardin ne représentait qu'un élément du décor tout à fait anodin.

Aloys (Tome 3): Lie and The EndWhere stories live. Discover now