Le Héros

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Le cœur de Lestan battait à mille à l'heure. Elle chercha à se calmer ; en vain. Devant elle... Ses yeux s'illuminèrent : L'avenir.

Les choses n'avaient jamais été ...Acceptables pour elle et ses proches. Grandir à l'Eden avait ses petits inconvénients et ce n'était pas la pâleur extérieure du lieu qui pouvait tenir compte de la misère ambiante. Quelque chose s'effondra en elle alors qu'elle se remémorait les conditions qui permettait à quiconque de survivre ici. L'ennui, les cérémonies, les cantiques à réciter jusqu'à ce que la gorge saigne sous le regard menaçant des prêtres ? Ce n'était rien comparé à la raison pour laquelle les factions gardaient leurs traitres et leurs familles en vie. Pour la quinzième fois depuis le début de sa courte vie, elle esquiva les gardes angéliques qui patrouillaient dans les rues de journée, s'abaissa lorsqu'il fallait entrer dans l'angle mort des caméras de surveillance, sprinta pour éviter de croiser le moindre prêtre, d'espèce différente, importé des autres continents après avoir été teinté par le fanatisme religieux que les anges avaient toujours inspirés.

Puis, elle dérapa finalement devant l'immense escalier menant au palais dans lequel logeait le Tyran, l'être délégué par les Cieux pour surveiller le bon comportement du bétail.

Il s'agit pour elle de tirer nerveusement sur sa robe volée, espérant ressembler le plus possible à un garde quelconque en empruntant ainsi leur tenue. Elle gardait la tête baissée alors qu'elle avançait sombrement le long de la volée infinie de marches. Il y en avait pour plusieurs heures à se rendre dans le palais et l'entrée était plus que surveillée. Son regard glissa vers le sol, déjà bien loin... Se faire avoir à ce moment-là signifierait la chute vertigineuse après la coupe des ailes... C'était un moyen qu'avait le Tyran de s'occuper des importuns.

Elle serra un peu plus le couteau de cuisine qu'elle avait coincé dans sa ceinture. Elle l'avait 'emprunté' à un prêtre qui lui-même avait réussi à le ramener du continent : Il n'y avait pas moyen d'obtenir ce genre de choses à Dyalaj et penser importer quoi que ce fût de Lamela... Ce n'était qu'un rêve un peu idiot.

Ses rangées de crocs pointus grincèrent alors qu'elle se répétait la marche à suivre. Personne dans ce qui restait de ses amis n'avait la moindre idée de la manière dont était constitué l'intérieur du palais. Il allait falloir improviser.

Aah. Elle savait tant qu'elle n'était pas la première à tenter cela ! Et à quoi cela servira-t-il ? A la venger ? A venger sa sœur ? Cela ne fera qu'instaurer un nouveau remplaçant et un peu plus de morts dans les rues. S'il fallait de nouveau exécuter les ainés lors de la cérémonie de passage de pouvoirs... C'était elle, la cadette, qui en sera sacrifiée.

Le chemin était long et elle avait tout le temps de changer d'avis. Elle tremblait maintenant, mais ce n'était pas de froid. Il... Elle devait...

Non. Sa démarche se fit plus déterminée. Ses ailes noires repliées sous ses omoplates la démangeaient désagréablement, réclamant d'être déployées. Elle effleura par erreur le faux duvet collé sur son visage qui devait dissimuler l'affreuse cicatrice des traitres. Personne ne fera la différence, ne devinera ce qu'elle est vraiment. Elle était déjà trop loin. Elle ne pouvait plus reculer.

Et.

Tuer des gardes ? Tuer des prêtres ? Cela arrivait régulièrement à Dyalaj. Les coupables disparaissaient, la nourriture se raréfiait durant un temps. Mais pas pour toujours, évidemment, les Cieux avaient besoin que leurs déchus soient en forme. Ca n'y changeait rien. Le meurtre du Tyran ? Oui, ça mettra le chaos durant quelques semaines. C'était... Ce qu'il y avait de mieux à faire.

Pas quelque chose qui arrive souvent, ça ! A vrai dire, elle n'avait jamais vu le Tyran mourir avant l'autre fois. Elle ne savait pas que c'était possible. Que cela se produise, de son vivant qui plus est, envoya une vitalité nouvelle circuler dans ses veines. Un espoir qu'elle croyait avoir perdu.

L'Éden des RejetésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant