Enfin, plus ou moins

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[ NDA: Trigger warning. N'oubliez pas que l'histoire est sujette à un langage cru et à des scènes violentes, gores et osées. Prenez soin de vous, ne lisez pas si vous êtes sensibles à ce genre de choses.]


...


Des souvenirs maladifs s'enchainent en une frénésie de folie. Chaque scène, chaque moment n'a apporté que son lot de malheur. La vie était un éternel chaos dans lequel elle n'avait pas le droit de cesser de lutter.

Analysée, jaugée, étudiée depuis l'enfance, passant d'examens en maltraitance, son destin se tapissait dans un fond sonore de hurlements et de sanglots.

Elle n'avait jamais été bien revêche. Gamine effrayée, bien trop vite domptée, personne ne voyait d'intérêt à un être aussi aplati. On la railla, on la brima. Tout un chacun cherchant, lorsque son tour venait, à réveiller l'endormie, à déclencher chez elle un caractère quelconque. Ce manque de paisible, cette vie sans cesse blâmée, titillée, la rendit rustre et mal-éduquée. Sa docilité ne tarda pas à se muer en simplicité. Elle offrit l'insolence qu'on lui réclamait.

Elle-même se plut un temps à se débattre. Elle n'avait pas de souvenirs de sa mère, n'avait jamais eu d'affection de sa nourrice qui était morte bien trop tôt. Être agressive lui permettait d'oublier ce trou à l'intérieur d'elle-même. Elle cacha cette absence d'un véritable visage derrière un masque de colère.

Mais les réactions n'étaient que pires et elle fini par serrer les dents, retournant à un état plus sage.

Vers l'âge de quatorze ans, un des gardes aux ailes blanches vint ouvrir la porte de la chambrette où Lestan et sa sœur étaient enfermées la nuit. Il leur parla alors des rumeurs qui circulaient parmi les enfants de leurs âges ; de cette idée saugrenue d'un autre monde par delà les épais murs du Quartier Interdit, réveillant en elles un espoir vacillant, celui de sortir enfin de ce mouroir. Lestan avait tournée son regard vers Saba qui s'était jeté dans ses bras. Ses cris de joies résonnaient dans la pièce aux murs épais. Elles avaient réussi : Elles allaient s'en sortir vivantes ! Le voyage ne fût pas long. Aucune affaire à attraper en urgence alors qu'elles se font parquer avec quelques autres 'élus' qui ont également passés avec succès les nombreux tests comportementaux. L'espace d'un instant, Lestan se demande ce qu'il allait advenir du reste des déchus de son âge. Elle est presque heureuse d'oublier de telles pensées alors qu'elle sent la main de Saba dans la sienne, les joues si colorées que cela s'aperçoit sous son duvet faciale.

L'arrivée au sein de Dyalaj fut moins douce. Certes, elle avait l'habitude de la barbarie. Certes, elle avait connu les jours où la viande des morts se retrouvait dans l'assiette de celle des vivants. Certes, elle ne s'était jamais faite d'illusion. Mais sa psyché d'alors se blessa et ses cauchemars devinrent de plusieurs tons plus sombres et agressifs. Elle se réveillait trempé de sueur et devait ensuite partir discrètement se nettoyer avec leur ration d'eau potable pour ne pas éveiller les soupçons. Malgré tout, ses cris, eux, ne passaient pas inaperçus et les prêtres ne tardèrent pas à remarquer qu'un élément défectueux vivait dans leur ville.

Ils ne la blâmèrent cependant pas, et laissèrent seulement la situation perdurer, dégénérer, jusqu'à ce que sa folie se mue en haine.

A la mort de Saba, Lestan ne retourna pas dans la maisonnée qui leur avait été attribuée. La fuite fut une bonne idée durant un moment. La faim n'était pas agréable, mais étant dans Dyalaj, elle parvenait à trouver suffisamment d'eau de pluie pour ne pas mourir de soif. Elle errait à la frontière du palais, de maison de gardes en maison d'invités, chapardant de temps à autre de la nourriture lorsqu'elle pensait ne pas se faire prendre. Ce destin l'amusa et elle aurait bien aimé qu'il dure éternellement. La sensation d'être libre était sans égale et si elle était sale et puante, du moins parvenait-elle à dormir plus paisiblement. Les mesquineries des autres déchus ne la touchaient plus. Elle n'avait de compte à rendre à personne sinon à elle-même et ne s'inquiétait donc plus de quiconque.

L'Éden des RejetésМесто, где живут истории. Откройте их для себя