1.Deuil

220 14 8
                                    

- Papa ? appelle une jeune fille dans l'entrebâillement du shoji.

Sa voix endormie était teintée d'inquiétude. Déjà parce qu'il était à peine minuit, et qu'elle avait entendue du mouvement dehors. Ce qui l'a réveillée.
Son père, qui était rentré la veille d'une bataille le temps de quelques jours, était de nouveau entrain de se préparer pour partir, encore une fois dans le dos de sa fille.
D'ailleurs, tout d'abord surpris, Bao Tomoe se retourna pour éviter de croiser le regard incandescent de la fillette.

- Tout va bien. Retourne te coucher Chisa.
- Où vas-tu ? demande-t-elle en fronçant ses délicats sourcils.

Chisa savait très bien qu'il lui cachait quelque chose. Son père n'était jamais parti à une heure pareille et encore moins après le bruit du galop d'un cheval. Et puisqu'il gardait le silence en attachant son katana à sa ceinture, Chisa comprit bien vite.

- Ils ont encore besoin de toi pas vrai ? Elle commença à pleurer. Tu reviendras hein ? Promet-moi que tu reviendras !
- Chisa... murmure son père en la regardant enfin.

D'un mouvement doux, Tomoe prit sa petite fille en pleurs dans ses bras.

- J'ai besoin de toi papa... Alors ne meure pas je t'en supplie !
- Ma petite fille... Sois forte.

Elle secoue la tête contre son torse.

- Je ne peux pas ! Déjà Maman... Pas toi cette fois !

Chisa avait vu sa vie dans un immense chagrin. Sa famille, chose qu'elle chérissait le plus, avait rencontré la mort. Sa mère de maladie, et le reste lui était soit inconnu, soit décédés depuis longtemps. Petite gamine, voir ceux qu'elle aimait mourir sous ces yeux a été un véritable traumatisme.
Son père a tout fait pour l'aider à oublier ces évènements horribles en essayant d'être présent dans son deuil. Mais petite comme elle était, à huit ans, de tels événements restaient comme des cicatrices.
Tomoe était le général de l'armée impériale, elle savait qu'à chaque fois qu'il partait, il ne pouvait ne plus jamais revenir.

- Ca va aller. Tu sais pourquoi ? Parce qu'elle est là, avec moi quand je suis là-bas. Elle veille sur nous.
- D'accord... renifle-t-elle en passant sa main sur ses joues rebondies et humides.
- Retourne dormir ma chérie... Ton père gagnera une bonne fois pour toute cette guerre ! Et nous pourrons enfin être tranquilles...
- *sourit*
- J'aime mieux ça ! sourit Tomoe. Prend soin de toi.
- Toi aussi papa...

Puis, Bao Tomoe était parti, le poing levé en signe de victoire. Sa fille, s'était retournée dormir, priant de toutes se forces qu'il ne lui arrive rien.

~~~~~

Un an passa. Chaque jour un peu plus, Chisa perdait espoir de revoir son père en vie. Au fond d'elle, elle savait qu'il ne reviendrait pas. Elle le sentais. Mais elle s'attachait à la promesse de son père. Lui, un homme de parole.
Mais ce n'est que la semaine suivante, lorsque des hommes de l'armée impériale viennent frapper à sa porte que ce qu'elle avait redouté c'était produit.

- Vous êtes Chisa, la fille de Bao Tomoe ? avait demandé l'un deux.
- C-C'est exact.

Un regard entre eux. Bien trop long et sombre pour que ça soit de bonne nouvelle.

- Toutes nos condoléances. Voici ce qu'ont a trouvé, votre père voulait qu'il vous revienne.

Il lui présenta un katana, celui que son père portait lors de ses batailles. Attaché au fourreau, un rouleau de parchemin y était enroulé. Elle le prit d'une prise pas très sûre alors qu'elle sentit son être se déchirer.

- Non... Non, non, non ! Père !

Chisa serra son bien contre sa poitrine, les larmes affluèrent au coin de ses yeux et dévalèrent ses joues.

- Il avait promis... Il avait promis de revenir !
- Nous sommes navrés. Votre père était un samouraï respecté, c'était un grand homme. Grâce à lui, nous avons gagné.
- Je comprends. Merci...

Ils s'inclinèrent et s'en vont, laissant Chisa s'effondrer à genou devant l'entrée, sanglotant le nom de son père.

- Pourquoi... Papa...

Une plaie béante s'était ouverte au fond de son coeur, elle était seule à présent. Son père l'avait laissée. La guerre était finie, il l'avait gagnée comme il lui avait promis. Mais au péril de sa vie. Et maintenant, ce qui lui restait de lui, c'était ce katana, ces lettres et ses souvenirs.

___

Ma fille.

Quand tu liras cette lettre, je serai déjà mort. Et je sais que tu m'en voudras.

Je n'ai pas complètement tenu ma promesse. J'en suis tellement désolé... ! Tu m'attends à la maison depuis bien trop longtemps et je ne serai plus là pour te serrer dans mes bras en te disant que je ne partirai plus jamais. C'était mon souhait le plus cher. Te voir grandir, sourire, rire, chasser des voyous qui s'intéresseraient à toi, accepter que tu n'es plus ma petite fille mais une femme. Enfaite, je souhaitais être ton père et pas ce guerrier.

Je n'étais pas assez à tes côtés et je m'en voudrai à jamais. Avant d'être un samouraï, j'étais un mari, un père de famille. Nous l'étions tous tu sais.

Il y avait une chose que je devais te dire à mon retour. Peut-être ne comprendras-tu pas étant donné que tu es encore très jeune...

Mais...

Je t'ai adoptée.
Même en sachant ça, je t'ai toujours considérer comme ma fille.

Je n'ai pas beaucoup d'information à ton sujet. Je t'ai trouvé dans une forêt en feu, bébé parmi les cadavres qui jonchaient le sol. Je ne sais pas si tes véritables parents sont morts. J'ai essayé d'en savoir plus mais c'est un grand mystère.

Quand tu grandiras, je sais que tu voudras en apprendre plus. Alors n'aie pas peur, c'est normal et je ne t'en veux pas.
S'il t'arrive d'avoir des problèmes, ou que tu te trouves en difficulté face à ton objectif, n'hésite pas à utiliser mon nom. Ils te respecteront.
Je t'ai laissé mon sceau, j'espère que tu en feras bon usage.

Va de l'avant ma petite Chisa. Choisis ton destin. Et sois heureuse.

Je te le souhaite comme un père pour sa fille.

Je t'aime.

Papa

▣▣▣▣▣

ʜᴀᴋᴜᴏᴜᴋɪ ‖ 1 ‖ ꜰʀᴀɢᴍᴇɴᴛꜱ ᴍɪʀᴏɪᴛᴀɴᴛꜱWhere stories live. Discover now