36.

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Je ferme les yeux. Cela fait exactement deux heures que je suis assise dans mon lit d'hôpital en train de parler avec le docteur Aderholt de ce qu'il s'est passé hier soir. Je me suis réveillée cette nuit aux urgences après avoir apparement fait un coma éthylique, et autant dire que ça ne figure pas dans le top trois de mes nuits préférées. 

- Est-ce que vous vouliez en finir, Violence ? 

- Non. Oui. Je ne sais pas. 

- Je vois. 

Je me passe la main sur le visage. J'ai mal à la tête, envie de vomir, le corps qui pèse une tonne, les souvenirs d'hier tournent dans mon esprit comme dans une machine à laver folle. Et je ne sais plus où j'en suis. Est-ce que j'ai fait une tentative de suicide ? Non, je ne crois pas. Est-ce que je voulais en finir ? Peut-être, au fond. Est-ce pour autant j'avais envie de mourrir ? Il ne me semble pas. Je pense que je voulais simplement que cette folie, pour un instant, s'arrête ; ne plus ressentir cette culpabilité écrasante, ne plus ressentir cette peur qui me paralyse à chaque instant, ne plus être là. Juste pour quelques minutes, ne plus être là. Aderholt prend des notes sur son carnet et je rouvre les yeux sur cette chambre aseptisée et sobre. Combien de temps vais-je rester ici ? Et si je manquais l'arrestation de Corelli ? 

- Vous vouliez plutôt que s'arrange et ça vous a paru la meilleure solution.

- Je voulais que ça s'arrête, juste pour un moment. 

- Pourquoi ? demande t-il doucement. 

- C'était trop lourd à porter, je répond. La culpabilité et la peur, cette affaire...

- Je comprends et sachez que c'est normal de ressentir ça. Vous ne venez pas de ce milieu, vous avez des sentiments, c'est dur mais c'est normal. Et ça se termine bientôt, heureusement. 

Je souris faiblement. Oui, plus qu'aujourd'hui et demain, et ensuite nous passerons à l'action pour attraper cet homme qui a ruiné six ans de ma vie et qui a mis à mal tous les projets que j'avais. Plus qu'aujourd'hui et demain, et ensuite, je pourrais espérer rentrer à Londres plutôt rapidement - pourvu que l'état de Kira s'améliore ou se stabilise du moins... Et si j'arrive à me sortir vivante de cette situation, de toute cette histoire, ce sera vraiment un exploit après tout ce que j'ai enduré. Quand j'en serais sortie, il y aura du chemin à faire psychologiquement pour aller mieux et passer au dessus de la torture, des menaces, des souvenirs. 

- Vous avez eu l'air de bien vous entendre avec Victoria, quand même. 

- On a presque la même histoire. Elle a été forcée par son père à rentrer dans la mafia, ça a été très dur, et... Avec elle, je me sens comprise, pour une fois. 

Il hoche la tête. 

- Et Enzo ? Vous l'avez côtoyé aussi. 

- Je crois qu'il ne m'aime pas trop. Il m'a beaucoup mise en garde sur ce que j'avais fait, et on a eu des altercations, mais ça allait mieux sur la fin. 

Il hoche à nouveau la tête.

- Et Oxan ? 

Cette fois, je souris. 

- Oxan est un peu comme moi. Il ne fait pas partie de ce milieu et est forcé de le côtoyer, il est très différent des autres, c'est peut-être celui qui a pris le plus soin de savoir comment j'allais. 

Je vois le psychiatre noter tout cela dans son carnet, pensif et je consulte mon téléphone pour savoir l'heure qu'il est. Neuf heures vingt-six. C'est vrai que les rencontres que j'ai fait ici seront gravées à jamais dans ma mémoire, et je ne pourrais jamais oublier les gens qui ont accompagné ce plan, ce voyage. Je ne pourrais jamais oublier Sarah et le comportement qu'elle a eu avec moi, je ne pourrais jamais oublier Adrian qui m'a giflée et qui est mort sous mes yeux, je ne pourrais jamais oublier Enzo et notre relation en demi-teinte, ni Oxan qui a toujours été gentil et correct avec moi, ni Victoria, qui a été un soutient fidèle ( le seul, d'ailleurs ) durant mon séjour à Palerme. Je ne pourrais jamais oublier la Bête, responsable de toutes mes souffrances physiques, et je ne pourrais jamais l'oublier lui, responsable de toutes mes souffrances psychiques. 

ULTRAVIOLENCEWhere stories live. Discover now