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Respire, Violence. Respire. 

J'observe par la vitre cassée les voitures qui s'accumulent devant le grand portail noir, qui, cette fois, ne s'ouvre pas. Une douzaine de soldats débarquent dans l'allée lourdement armés et je le regarde se mettre dans ce que je pense être une position de tactique de défense, ce qui ne veut dire qu'une seule chose : Corelli est là. Dans l'une des quatre voitures amassés, collés les unes aux autres. Le coeur battant, la gorge nouée, je me rue sur la porte et dévale l'escalier au pas de course pour découvrir sur le seuil de la porte Di Casiraghi, les mains dans les poches. L'émotion me tord le ventre. C'est réel. C'est réel. C'est réel. C'est réel, mais ça semble irréel tellement que j'ai attendu ce moment depuis longtemps. C'est réel, mais je n'arrive pas à y croire. La porte d'entrée est grande ouverte, Alberta n'est pas là, et je viens donc me positionner à côté de Thaddeus sur le perron de la maison en silence mais avec les mains tremblantes. Nous assistons après quelques minutes de coordinations des équipes à l'ouverture du portail qui se referme dès que les quatre voitures sont rentrées, mais les grilles en face d'elles restent closes, et toutes les voitures coupent le contact pratiquement au moment moment. La première voiture fait descendre trois soldats qui vont immédiatement se placer aux abords de la deuxième, derrière eux. De la troisième voiture sortent également trois autre soldats, qui suivent le même ordre que les précédents. Et nous voyons sortir de la quatrième voiture Lorenzo, Victoria et Marco. 

Ils sont bien vivants, portent leurs habits mais sont couverts de poussière et de rouge - sûrement du sang, et Marco est le seul qui a l'air presque intact dans son uniforme de pilote. Cette vision est presque incroyable a voir : c'est bien réel. Ils ont réussi. Nous avons réussi. J'ai réussi. Alors que je suis prête à descendre les trois petites marches et me ruer sur eux pour leur poser pleins de questions, pour voir Corelli, pour savoir comment ça c'est passé, Di Casiraghi lève sa main vers moi. L'ordre est clair, même si il n'a pas parlé : je reste ici et j'attends. Je déglutis, fébrile, en voyant que Victoria et Lorenzo se parlent et continuent à gérer leurs équipes, puis après cinq minutes, les portières avant de la deuxième voiture s'ouvrent. En sortent deux soldats, et il y a un instant de suspension durant lequel tout le monde se regarde, puis tout le monde braque son arme sur la portière arrière. Celle-ci est ouverte par l'un des soldats, et en sort un homme, bien portant, ne semblant pas blessé et pas pour autant coopératif puisqu'il crache au pieds de celui qui a ouvert la portière. 

- C'est Matteo Corelli, je souffle. 

- Oui. 

Le ton de sa voix a changé et il résonne jusque dans mes os. La nuance sombre que j'y perçois me déstabilise : l'espace d'un instant, je songe à lui demander si ça va mais je finis par me raviser pour me reconcentrer. Corelli adresse quelques mots à Victoria, l'air énervé : on dirait un dangereux criminel qui est amené à un tribunal, sauf que le tribunal aujourd'hui, c'est nous. Escorté par une quinzaine de soldats, braqués par d'autres encore, il est escorté jusque dans l'entrepôt et passe à quelques mètres de nous ; il ne nous voit pas, du moins, pas au début. Alors que le cortège a presque dépassé la maison, il tourne la tête et son regard se plonge en une fraction de seconde dans le mien. Il disparait ensuite très vite, accompagné par les soldats, mais tous les poils de mon corps se hérissent. Ce contact visuel, bien que rapide, n'a pas échappé à Thaddeus qui se tourne vers moi. 

- Il t'a reconnu. 

Je hoche la tête et pose par réflexe la main sur ma cicatrice. Il y a tant de souffrances liés à cet homme. Il y a tant de questions, de pleurs, d'angoisse, de souvenirs liés à cet homme. J'ai rêvé de ce moment pendant des années et si tout va bien, d'ici ce soir je pourrais me libérer de tout ça ; si tout va bien, seulement. 

ULTRAVIOLENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant