III

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Messiah accéléra.

Grisé par la vitesse, il filait à travers les plaines désertes. Les pneus de sa méca-moto raclaient la terre craquelée, soulevant d'épais nuages de fumée cendrée qui noyaient le paysage dans la poussière. Dans son dos, l'androïde inerte émettait de sinistres grincements à chaque secousse. Messiah l'avait sanglé à son harnais de cuir artificiel. Sa tête de plastique fondu ballotait contre son épaule, percutant sa bouteille d'oxygène en rythme. Par précaution, il lui avait ligoté les mains et avait attaché ses pieds de métal blindé à la carrosserie de son bolide. Le robot lui serait bien moins utile s'il le ramenait en pièces détachées.

Forçant l'allure, Messiah jeta un œil à son compteur d'oxygène. Sa bouteille, presque vide, atteignait ses limites. D'un geste distrait, le scientifique porta une main à son masque et réduisit de moitié l'air utilisée à chaque inspiration. A force de vivre à l'Extérieur, Messiah avait acquis des capacités uniques. Ses poumons, entraînés au manque d'oxygène, semblaient avoir évolué et, en à peine dix ans, ils avaient appris à fonctionner au ralenti. Cela lui permettait d'économiser de l'oxygène, sans qu'il ne se mette à délirer.

Messiah esquissa un sourire arrogant. Il était un être humain d'un genre nouveau. Un homme exceptionnel.

Hors norme.

Plissant les yeux derrière ses lunettes de sécurité, Messiah lutta quelques instants contre le vertige. Sa vision se troubla légèrement. Serrant les dents, il ralentit et riva son attention sur les immenses murs qui se dessinaient à l'horizon. Le Camp. Il ne lui restait plus que quelques kilomètres à franchir et il serait chez lui. Enfin.

Papillonnant vivement des paupières pour chasser le flou qui recouvrait son champ de vision, Messiah sentit ses poumons se crisper, puis s'apaiser lentement. Le scientifique reprit ses esprits et accéléra de nouveau. Sa respiration s'était fluidifiée. Il pourrait encore tenir une bonne demi-heure.

Fier de son petit tour de passe-passe et conscient de l'insulte qu'il faisait à la nature elle-même, Messiah fanfaronnait en silence lorsqu'il aperçut les silhouettes de camions de ravitaillement, entourés de méca-motos à l'arrêt, se découpant à contre-jour. Intrigué, le scientifique s'approcha à vive allure et s'arrêta prêt d'un homme qui lui faisait signe.

— Soldat, le salua-t-il. Au rapport.

— Troisième escouade de Travailleurs Extra-Muros et quatrième escouade de ravitaillement, mon Commandant, annonça-t-il, contraint d'hurler pour se faire entendre. Un Néo-animal de type B bloque l'accès au Camp.

Surpris, Messiah leva un sourcil et se tourna vers les hauts murs de béton armé qui s'élevaient à une vingtaine de mètre à peine. Allongé dans la poussière, un mammifère recouvert d'écailles luisantes patientait, la tête tournée vers le groupe de soldats immobiles. Quatre pattes de pachyderme aux articulations souples, deux immenses cornes sur le crâne, une truffe humide, des babines retroussées découvrant trois rangées d'incisives dégoulinantes de bave jaunâtre...

Un Belua.

Messiah analysa rapidement la situation, imagina plusieurs options, avant de se tourner vers le soldat qui fixait avec inquiétude l'imposante bête.

— Vous avez essayé de le contourner ?

L'homme eut un petit rire nerveux, qui fit tiquer Messiah, puis répondit d'une voix tremblante :

— À chaque fois que les camions redémarrent, il se lève et se prépare à charger.

— Mais il ne charge pas..., termina Messiah, songeur. Il protège quelque chose. 

Deus ex Machina [EN PAUSE]Unde poveștirile trăiesc. Descoperă acum