XXIII

36 7 54
                                    

La nuit s'allongeait en haut des murs.

Assit en tailleur sur son bureau, Messiah observait le corps inerte de l'androïde. La lumière bleutée des néons, fixés aux parois du conteneur, projetait d'inquiétantes ombres sur son visage de plastique fondu. Ses yeux entrouverts scintillaient d'une étrange lueur. L'une des caméras, fissurée, happait les rayons rougeâtres de la lune. Ainsi, allongé sur l'établi, il semblait presque humain.

Presque.

Avec un soupir, Messiah piocha dans l'un de ses pots à crayons et entreprit de dévisser la mine d'un vieux stylo. Il s'ennuyait. Le cliquetis régulier de sa montre à gousset, marquant chaque seconde, commençait à lui taper sur les nerfs. La patience lui faisait souvent défaut.

Aeternum n'honorait que rarement leurs rendez-vous quotidien, mais Messiah, en tant que Commandant, se devait de répondre à chacun de leurs appels. Cette communication à sens unique l'agaçait un peu plus chaque jour. Il avait l'impression de n'être qu'un pantin à la botte des Pastors, un vulgaire objet que l'on négligeait une fois sa tâche accomplie.

Examinant distraitement ses ongles abîmés, Messiah réfléchissait au surnom humiliant qu'il donnerait à Idan la prochaine fois qu'il le verrait, quand la radio émit un son strident. Pris de sueurs froides, Messiah jeta le stylo qu'il démontait mécaniquement pour attraper l'appareil. Dépliant l'antenne d'un geste saccadé, rendu nerveux par la surprise, il fit tourner l'épais bouton jusqu'à ce qu'une voix perce le silence :

— Aeternum aux Explorateurs. Répondez.

Le ton, si conventionnel, d'Idan lui arracha un sourire.

— Explorateurs à Aeternum. À vous.

— Messiah. Comment vas-tu ?

S'installant plus confortablement sur le plateau encombré, le scientifique renversa son pot à crayons et, en essayant de le rattraper, donna un coup de coude dans une pile de dossiers. La radio sur les genoux, Messiah jeta un coup d'œil aux feuilles éparpillées par terre et fit la grimace. Lev avait passé une nuit entière à rassembler ces documents officiels, à séparer comptes-rendus d'expériences et listes de matériel. Et si l'ordre et la discipline n'était pas son fort, Messiah se souvenait encore de l'expression indignée que le Second Major avait affiché lorsqu'il avait découvert le moulons de feuilles voulantes qui envahissait son laboratoire. Jamais il ne s'était senti aussi méprisé.

Chassant d'un geste de la main ces désagréables souvenirs, Messiah répondit sans réfléchir :

— Je pensais à toi.

Derrière les grésillements de la radio, Idan s'étrangla et fut pris d'une quinte de toux. Messiah ricana en l'imaginant s'empourprer. Nerveux de nature, il se laissait trop facilement déstabiliser, et Messiah avait l'art de le mettre dans tous ses états. Se raclant la gorge pour dissiper sa gêne, Idan reprit d'un ton grinçant :

— J'ai tes résultats.

Messiah écarquilla brusquement les yeux. Le cœur battant, il approcha la radio de son oreille et jeta un regard inquiet à l'androïde endormi. Des centaines de questions se bousculaient dans son esprit, lui brûlant les lèvres, mais Messiah s'efforça de les taire pour écouter la voix monocorde d'Idan :

— L'échantillon que tu nous as envoyé est bien composé de sang, un sang humain mélangé à plusieurs liquides, dont une majorité d'eau de pluie. Après analyse, nous avons...

— Vous avez trouvé son nom ? le coupa Messiah, fébrile.

Idan s'interrompit et, soupirant bruyamment, prit quelques secondes avant de répondre :

Deus ex Machina [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant