XVII

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Chrom enfila une blouse blanche.

L'angoisse de découvrir cet autre monde, caché dans la Locomotive, l'oppressait depuis qu'il avait franchi les portes du Laboratoire. Être le fils de deux scientifiques ne lui avait jamais permis de poser le pied dans cet endroit presque sacré. Frappant nerveusement le sol du bout de ses bottes, Chrom essayait de distraire son esprit agité, rongé par le stress.

L'attente était interminable.

À son arrivée, Idan l'avait informé des consignes de sécurité à respecter, indispensables pour se déplacer dans le Laboratoire, puis s'était échappé, prétendant avoir quelques affaires importantes à régler. Depuis, Chrom patientait dans l'antichambre réservée aux visiteurs, espérant que l'un des scientifiques présents dans le Laboratoire daigne l'accompagner.

Le cœur battant, Chrom déglutit avec difficulté. Dans quelques instants, il ferait partie des rares élus ayant découvert l'envers du décor. La Locomotive et ses secrets l'attendaient de l'autre côté de cette porte.

Alors que le silence devenait de moins en moins supportable, Chrom s'accrocha avec espoir au souvenir d'Hansi. Elle serait sûrement jalouse si elle savait qu'il était devenu l'élève d'un scientifique du Laboratoire. Depuis l'enfance, elle rêvait de découvrir la Locomotive pour enfin comprendre la complexe mécanique, dont seuls les scientifiques avaient connaissance, et qui permettait à l'Agmen de poursuivre son infinie course. Il l'imaginait déjà, assise en tailleur sur son lit, le suppliant de lui raconter en détail tout ce qu'il avait appris durant son absence. Chrom esquissa un sourire attristé.

Elle lui manquait.

Son absence était pire que tout. A chaque silence, il croyait l'entendre rire. Inspirant avec force, Chrom boutonna sa blouse et ajusta les petites lunettes de plastique qu'Idan lui avait recommandé de porter. Il releva la tête pour s'observer dans l'étroit miroir qui avait été cloué au mur, lorsque la porte s'ouvrit avec fracas. Chrom sursauta et retint un cri de stupeur.

Dans l'encadrement de métal, une femme lui adressa un sourire amusé avant de s'approcher, lui tendant l'une de ses mains gantées.

— Chrom ? Je suis Eurydice Relicta, zoologiste et biologiste. C'est un plaisir de vous rencontrer.

Chrom hocha vivement la tête, intimidé par l'expression déterminée qu'elle affichait. Son épaisse chevelure brune, d'où émergeaient quelques mèches blanches, était maladroitement rangée en un chignon lâche. Elle portait une longue robe immaculée sous un tablier terne, taché de toutes parts, étroitement serré autour de sa taille. Elle ne devait pas avoir la trentaine mais son visage, marqué par de discrètes rides et de profonds cernes, témoignait des trop nombreuses nuits blanches qu'elle avait passées au Laboratoire. Elle paraissait chaleureuse, bien que Chrom pût lire dans son regard une infinie indifférence.

Après lui avoir serré la main, Eurydice sortit de la pièce d'un pas volontaire, presque pressé.

— J'espère que tu es prêt à te mettre au travail rapidement. Je t'avoue qu'on est un peu en retard sur le planning.

— Euh ... Je pense que ça ira.

— Très bien, nous n'en attendions pas moins de la part du fils d'Hank et Charlotte.

Eurydice descendit une volée de marches métalliques, faisant claquer les semelles de ses bottines contre le fer creux. Chrom la suivit, impressionné par la vue qui s'offrait à lui. S'appliquant à suivre la scientifique, il ne put s'empêcher de jeter des regards émerveillés tout autour de lui.

Deus ex Machina [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant