Chapitre 1

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Le regard dans le vide, je prenais une dernière taffe et jetais mon mégot dans le cendrier à côté de moi en soupirant. Les journées étaient longues, mon père avait un voyage d'affaire et avait souhaité m'emmener en vacances à Vernazza, une magnifique ville d'Italie. J'étais ravie d'être là, vraiment, néanmoins mon père gâchait tout, il gâchait toujours tout. Il refusait que je visite la ville, que j'aille me baigner, que je profite du soleil et de la mer, il avait réservé une chambre d'hôtel avec un immense balcon, en me disant que c'était amplement suffisant.

Il dormait sur le canapé, la bouche ouverte, un bras tendu dans le vide, une bouteille de whisky vidée se trouvait juste à côté de sa main. Ce n'était pas la seule qu'il avait bu, les autres avaient sûrement roulé sous le lit. Je soupirais et rentrais dans le salon en refermant la porte du balcon, je me baissais à son niveau et ramassais la bouteille vide afin de la jeter mais une main brusque attrapa mon poignet, je sursautai et lâcha la bouteille qui rebondit sur le sol, trop proche de celui-ci pour se briser. Je levais les yeux vers mon père, craintive, il avait les yeux écarquillés et les sourcils froncés. J'avais peur, terriblement peur.

"- Qu'est-ce que tu fais? demanda-t-il en me prenant par les épaules. Réponds moi Hanae, qu'est-ce que tu fais? hurla-t-il en me secouant.
- Je voulais ranger un peu l'appartement, dis-je hésitante, le regard fuyant.
- Et qui t'a autorisée à le faire?
- Personne..."

Il se redressa, les mains toujours serrées sur mes épaules qui devenaient douloureuses, et il me jeta au sol violemment après avoir repris la bouteille de mes mains. Il me regarde avec colère et la jeta à côté de mon visage, elle explosa en mille morceaux, je sentis des bouts de verres s'enfoncer dans mon visage. Mes yeux se fermaient instinctivement et je sentais sa main atterrir contre ma joue avec violence. Il se pencha vers moi et me hurla au visage, il puait l'alcool et ma tête résonnait. J'avais peur que ce genre de situation se produise ici aussi, ça arrivait souvent en France, chez moi, mais puisque c'était un voyage d'affaire, j'ai naïvement pensé que ça allait bien se passer. Après s'être épuisé à me hurler dessus et à me frapper, il retourna se coucher comme si rien ne s'était passé.

Je restais un moment au sol appuyée contre le mur, sans bouger, mon corps encore douloureux. Je finis par me relever en grimaçant et partis fumer une clope sur le balcon en tentant d'enlever les débris de verre à l'aveugle. Je finis par abandonner et allumais une cigarette. Du coin de l'oeil je remarquais quelqu'un sur le balcon d'à côté, je tournais mon visage afin de voir un peu mieux cette personne et croisais le regard d'un garçon de mon âge, à peine plus vieux. Il souffla la fumée qu'il avait inspiré à travers sa cigarette juste avant et me fit signe de me rapprocher. Intimidée je restais quelques secondes sans bouger, je jetais un oeil à mon père ivre mort afin de m'assurer qu'il ne se réveillait pas et j'avançais vers mon voisin de balcon. Une petite balustrade nous séparait, il prit une taffe et plissa ses yeux afin de mieux m'apercevoir sous la lumière de la lune en expirant sa fumée.

"- Soirée compliquée ? finit-il par demander après quelques minutes de silences qui me gênait.
- Plus ou moins.
- Viens, dit-il en terminant sa cigarette"

Je l'observais me tourner le dos et commencer à avancer ne sachant que faire. Il semblait remarquer que je ne le suivais pas parce qu'il me répéta de venir. J'enjambais la barrière et le suivis jusque sa salle de bain d'hôtel. Il m'intima de ne faire aucun bruit en pointant du doigt sa mère endormie dans la chambre en face du balcon entre la deuxième chambre et le salon. Il me fit signe de m'asseoir sur la bord de la baignoire et se retournait pour chercher une pince à épiler, du désinfectant et des compresses en tissus. Je compris alors qu'il souhaitait me soigner, je le regardais avec incompréhension mais le laissais faire. Il restait silencieux, concentré à retirer les morceaux de verre enfoncés dans ma peau en s'excusant de temps à autres en me voyant grimacer de douleur.

"- C'est fini, dit-il après quelques minutes.
- Merci, dis-je en baissant les yeux."

Il me sourit discrètement et me proposa un verre d'eau, j'acceptai avec plaisir. Il revint rapidement, deux verres d'eau en main, il m'en tendit un que je pris et s'appuyait contre le mur en face de moi en buvant silencieusement son verre d'eau. Je me rendis compte que je ne connaissais pas son nom alors je me risquais à lui demander.

"- Damiano, et toi?
- Hanae.
- C'est un joli prénom, finit-il par dire après avoir plongé son regard dans le miens.
- Merci, c'était le prénom de ma grand-mère, c'est ma maman qui a décidé de m'appeler comme ça, dis-je avec un petit sourire triste afin de lui faire comprendre qu'aucune des deux n'est encore en vie sans prononcer aucun mot. Il compris et n'insista pas plus sur le sujet, ce que j'appréciais beaucoup.
- Tu veux sortir ?
- Je peux pas... murmurais-je en baissant les yeux.
- Il ne le saura pas, il dort non?"

Je l'observais avec attention, il avait compris que mon père était la source de mes problèmes. Je réalisais alors qu'il avait sûrement entendu mon père me hurler dessus et il n'avait pour autant pas posé de question dessus. Je réfléchi un instant et finis par accepter, heureuse de sortir enfin de ma tour d'ivoire gardé par ce dragon qu'était mon géniteur.

Il prit ma main et m'attira jusque l'extérieur, je le laissais faire, le coeur battant, pensant que c'était peut-être ça dont les autres filles parlaient souvent, un amour de vacance.

Ce soir là était sans aucun doute la meilleure soirée de ma vie, il m'avait fait visité la ville pour mon plus grand plaisir, Damiano m'a montré beaucoup de lieux important et nous avions finit par nous poser à la plage. Il m'attira à lui et m'emmena dans l'eau, nous y sommes restés une petite heure, nous baignant habillés, rigolant et jouant comme les enfants que nous étions.

J'avais appris qu'il adorait le rock, qu'il avait monter un groupe avec deux de ses amis, Victoria et Thomas je crois, ils cherchaient encore un batteur. Il avait dix-sept ans et moi quinze. Nous étions encore jeune et pourtant il avait beaucoup de projets, de passions, choses que je n'avais pas. Alors ses passions sont devenues les miennes, je m'étais imprégnée de lui.

Ces excursions nocturnes se sont répétées chaque soirs durant neuf jours, jusqu'à ce que mon père doivent repartirent en France, et donc moi aussi. J'étais partie sans rien dire à Damiano, j'avais simplement glissé un petit papier sous son paquet de cigarettes posé sur son balcon.

"Merci pour ces soirées, j'ai été très heureuse de te rencontrer, j'espère te recroiser un jour, peut-être dans une autre vie,
Hanae. :)"

Je ne l'oublierais jamais, et encore aujourd'hui, je le reconnaîtrais entre mille.

Parlan di teWhere stories live. Discover now