Chapitre 8

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Je souris une dernière fois au livreur qui venait de déposer mon lit au milieu de la pièce avant de partir et m'asseyai sur le sol de mon nouvel appartement, le dos appuyé sur le meuble fraîchement installé. Le froid du parquet sur ma peau me fit frissoner un peu, j'étais chez moi, enfin. Je ne dépendais de personne d'autre que moi, fini les comportements abusifs de mon père, fini les coups à répétition, fini l'angoisse perpétuelle de se réveiller chaque matin dans la même maison que lui.

Des larmes roulaient sur mes joues, la pression redescendait, j'étais réellement libre. Ce n'était plus une expression ou une volonté, c'était devenu une réalité. Le souvenir de son haleine alcoolisée embrumait mon esprit, celui de ses mains un peu trop baladeuse, de ses murmures me disant que je ressemblais à ma mère, de ses mains claquant sur mes joues et étranglant ma gorge renforçaient mes pleurs. Une crise d'angoisse fit redescendre ma joie, et je me retrouvais bien vite en boule sur le sol, tremblante, faible.

Le reste de cette journée se résumait à ignorer les nombreuses notifications et à pleurer sur mon sort. Il y a toujours pire comme on dit, mais à cet instant je ne voulais pas penser à pire, ce qu'il m'avait fait subit était déjà mon pire à moi, rien d'autre ne pourrait me faire plus souffrir que ça, pas même la mort d'un proche. Rien, selon moi, ne pouvait être pire que d'être témoin de sa propre mort psychologique, progressive et douloureuse à souhait.

Tard dans la soirée, je daignai enfin décrocher à mon téléphone et alors que je pensais que ma crise de larme était finie, entendre la voix de Damiano me fit pleurer à chaudes larmes.

"- Putain Hanae, ça fait des heures que j'essaie de te joindre, la réceptionniste de l'hôtel m'a dit que tu étais partie ce matin, t'es où?
- J'ai trouvé un studio, dis-je en sanglottant.
- Qu'est-ce qui va pas? Donne moi l'adresse j'arrive."

Je lui dis l'adresse, non sans mal, et l'instant d'après il entrait dans mon nouveau lieu de vie, la porte n'étant pas fermée à clef.

Il s'installa à genou devant moi avant d'écarter un peu mes jambes et de se glisser entre, ses bras entouraient alors mon corps pris de spasmes et après quelques minutes à tenter de me rassurer, j'ouvris enfin les yeux afin de le regarder. Il déposa un baiser sur mon front en me répétant qu'il était là et qu'il ne me laisserait pas tomber, jamais.

"- Tu as mangé ?
- Non, balbutiais-je.
- Tu as envie de quelque chose de précis?
- Non."

Son regard semblait refléter plein d'émotions différentes dont l'inquiétude. Il prit l'initiative de commander des sushis et makis et resta avec moi jusqu'à ce que le livreur arrive en bas de l'immeuble. Il ouvrit la petite boîte contenant la nourriture à l'odeur réconfortante et me la tendit, pleins d'espoir.

"- Merci Dami', mais je n'ai vraiment pas faim, soufflais-je.
- Manges en au moins un ou deux, s'il te plaît."

Je plantais mon regard dans le sien et acquiesça finalement malgré moi. Les différents aliments, une fois en bouche, me donnaient la nausée, je fis tout de même l'effort d'en ingérer trois afin de le rassurer mais je ne pouvais rien avaler de plus. Il me souriait, satisfait, avant de me prendre dans ses bras. Je soupirais de plaisir à ce contact plus que réconfortant, il était ce dont j'avais le plus besoin dans ma vie, et cela n'avait pas changé malgré le temps passé sans le voir.

Je m'écartais doucement de lui, pris son visage entre mes mains et plaqua mes lèvres contre les siennes. J'avais besoin de le sentir contre moi, de recevoir l'amour qu'il ressentait pour moi même s'il était moindre. Je voulais me sentir proche de lui. Il compris ce que j'attendais de lui et me repoussa un peu afin de m'observer avec attention.

"- Hanae, je veux pas profiter de toi dans cet état, tu n'es pas forcément consciente de tes actions, t'es déboussolée là...
- J'en ai besoin Damiano, je suis consciente, dis-je en baissant les yeux."

Parlan di teWhere stories live. Discover now