Chapitre 2

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Une tasse de café brûlant dans la main, j'observais mon père, allongé sur son lit, il ne respirait plus. Je n'arrivais pas à réagir, j'étais figée, la tasse tomba de ma main et se brisa sur le sol. Il ne réagissait pas, il ne bougeait plus, aucun son ne sortait de sa bouche, je m'approchai doucement, ayant peur qu'il se réveille d'un coup et me frappe, je plaçai délicatement mon oreille au-dessus de sa bouche, je n'entendais et ne sentais rien, son torse ne se soulevait plus.

Je reculai, marchant sur les morceaux de tasse, les larmes aux yeux, ne sachant que faire. Je courus au salon et attrapai le téléphone fixe d'une main tremblante et j'hésitais à composer le numéro des pompiers. J'avais peur qu'ils ne réussissent à le ranimer. Je me haïssais de penser ça, mais je souhaitais de tout mon cœur qu'il soit mort, que tout soit fini pour de bon, il avait beau être mon père, il n'avait jamais rien fait de bien me concernant. J'avais dû m'éduquer seule sous ses coups et ses cris, j'ai vécu la vie d'une femme avant de vivre la vie d'une enfant, je devais remplacer ma maman décédée peu de temps après son accouchement. C'est ma grand-mère qui m'a élevée jusqu'à ce qu'elle meurt à son tour à mes huit ans. Mon père avait dû prendre la relève malgré lui, bien qu'il n'était là que pour m'offrir un toit et me faire souffrir.

Il m'arrivait de penser que je portais la poisse, mais à ce moment précis, je me considérais comme chanceuse, tout était peut-être fini pour de bon.

Je soupirais un bon coup et appelais les pompiers. C'est une dame adorable qui m'a répondu et me rassurait bien que je ne sois pas paniquée par sa potentielle mort mais plutôt par le fait qu'il puisse se réveiller à tout moment. Elle me posait des questions sur mon père, sur sa santé, les médicaments qu'il prenait, me disait que les pompiers arrivaient chez moi d'ici peu, elle me demanda de rester au téléphone avec elle d'ici là mais je raccrochai. Bien qu'elle soit très gentille, je ne souhaitai pas lui parler.

En effet les pompiers toquèrent violemment à ma porte une dizaine de minutes plus tard, je les laissai entrer en leur indiquant que mon père se trouve l'étage, dans la chambre de droite, ils coururent jusqu'à lui. Je pris une cigarette et m'asseyais sur le canapé, pensive. Je n'avais même pas le temps de finir ma cigarette que je vis les inconnus vêtus de rouges partir avec mon père sur un brancard, une femme s'approcha rapidement de moi.

"- Il va s'en sortir ? demandai-je instinctivement.
- Je suis désolée mademoiselle mais je ne peux rien vous dire pour l'instant, nous l'emmenons en urgence à l'hôpital."

Je la regardais partir en courant rejoindre ses collègues. Je me figeai, me rendant compte que s'ils l'emmenaient à l'hôpital c'était peut-être parce qu'il avait encore une chance de survivre. C'était maintenant ou jamais. Ni une ni deux je commençais à préparer une valise, je la remplissais avec le peu de vêtements que je possédais, de ma trousse de toilette et je la refermais. Je me dirigeai vers la chambre de mon paternel, des bouteilles d'alcool jonchaient le sol, il avait probablement fait un coma éthylique. J'ouvris sa table de chevet et pris son portefeuille, je saisis les billets et le rangeai soigneusement là où je l'avais pris. Je pris ensuite une chaise et monte dessus, trop petite pour atteindre le haut de l'armoire sans, je passai ma main sur l'armoire et trouvai enfin la petite enveloppe qu'il cachait là, pleine de billets également, je redescendis et partis en courant de sa chambre, euphorique.

S'il m'avait vu, il m'aurait frappée, mais il n'était pas là et il ne rentrerait pas avant un moment, il ne rentrerait peut-être pas. Il fallait que j'en profite, il fallait que je me sauve. Je pris le téléphone du salon et cherchai dans l'annuaire de mon père le numéro d'une compagnie de taxi. En deux petites minutes tout était prêt, un taxi arrivait sous peu. Je pris une grande inspiration et me rendis compte que je n'avais pas pris mon sac à main, je courus alors à l'étage, le récupérai et y glissais mon paquet de cigarettes. J'entendis une voiture klaxonner dans l'allée alors je pressai le pas et sortis de la maison sans fermer à clef, le conducteur m'ouvrit la portière et m'indiqua de rentrer pendant qu'il chargeait ma valise dans le coffre.

"- Où souhaitez-vous aller?
- À l'aéroport, dis-je sûre de moi."

Il aquiesça et démarra, au début le trajet se faisait dans le silence mais il décida de le briser, me jetant des petits coups d'oeil dans le rétroviseur.

"- Vous allez où ma p'tite dame?
- J'en sais rien.
- Comment ça vous n'en savez rien? me demandait-il d'un air interloqué.
- Je verrais sur place, soufflais-je.
- Ce sont de simples vacances ou...?
- Non je veux partir définitivement de la France.
- Vous n'avez même pas une petite idée d'où aller ?
- Peut-être, si... l'Italie."

Il me fit un grand sourire avant de me raconter qu'il avait de la famille là-bas. Il semblait vraiment heureux lorsqu'il parlait d'eux. Il me donnait des noms de villes à visiter, lorsqu'il cita Vernazza mon cœur loupa un battement.

"- Je connais Vernazza, j'y ai passé les meilleurs moments de ma vie, disais-je pensive.
- Vous semblez partir sur un coup de tête, pourquoi ça?
- Je fuis."

Il me regardait, intrigué, mais ne posa pas plus de questions. Nous arrivâmes bien vite à l'aéroport et après s'être garé, je le vis écrire rapidement quelque chose sur un papier avant de me le tendre.

"- Ma nièce vit à Rome, son chéri tient une petite boutique, si vous souhaitez trouver un travail, je pense que ça vous correspondra, c'est un vendeur d'instruments de musique, vous m'avez dit que vous aimiez la musique non? Dites-lui simplement que vous me connaissez, je m'appelle Paul.
- Merci beaucoup, disais-je en prenant le petit post-it, un grand sourire."

Il sortit de la voiture rapidement et m'ouvrit la portière, je récupérais ma valise et le vieil homme me souhaita bonne chance en me tapotant l'épaule. Je le payais pour la course et entrai dans l'aéroport. Que la fête commence.

Parlan di teOù les histoires vivent. Découvrez maintenant