Interlogue : Bain de sang

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Raven fut le premier. Les autres ne l'avaient pas écouté... mais pourquoi ?! Le jeune Russe les avait suppliés d'intervenir, de faire quelque chose. Oliver n'oserait peut-être pas s'attaquer directement à l'Escortée, mais il pouvait envoyer quelqu'un. Il l'avait déjà fait. Il n'était pas digne de confiance et Raven savait très bien que jamais il n'aurait respecté la trêve des Six Jours ! Il la connaissait mieux que personne, il sentait dans chaque fibre de son être qu'elle était en danger.

Le jeune homme nota qu'il n'y avait aucune voiture garée devant la maison de la jeune fille : bien sûr, Oliver avait lancé son attaque perfide en l'absence des parents. Tout correspondait. Raven ouvrit le portail et remarqua que la porte d'entrée de la maison était entrouverte. Il flatta l'un des deux énormes molosses qui vint gémir près de lui lorsqu'il le reconnut.

— Ça va, Odin, murmura-t-il dans sa langue natale.

Sawyer avait strictement défendu à Raven de tenter de revoir l'adolescente, mais le Russe avait senti que quelque chose d'anormal allait se passer. Il avait ensuite senti que quelque chose d'horrible se passait. Devant la porte de la maison entrebâillée, le sang du jeune Slave se glaça. Il arrivait trop tard. À cause de Sawyer ! L'angoisse effroyable qu'il éprouvait se mêla à une colère monstrueuse contre son aîné. Il ferma la porte derrière lui et ouvrit doucement son balisang, marchant à pas de loup. Sa fine audition lui permit de détecter un grincement discret, au premier étage. Il escalada les marches sans un son – exploit qu'il était le seul à pouvoir accomplir – et pressa sur l'interrupteur du couloir, le cœur battant à tout rompre.

—Oh ! Mon Dieu ! Non ! Non !

Le hurlement du jeune homme fut déchirant. Sans réfléchir, sans établir de stratégie, il se jeta à genoux près du corps de l'Escortée, qui gisait dans une mare de sang.

Beaucoup de livres reprennent cette expression. Une mare de sang. Mais personne ne peut réellement se figurer ce dont il s'agit sans l'avoir vu. Sans l'avoir vécu. L'odeur métallique, chaude, la souillure qui ne semblera jamais partir sur le sol, sur les vêtements, sur les murs. La quantité, surtout. On ne peut s'imaginer la quantité de sang qui peut quitter un être humain. Raven releva la tête de l'Escortée, dont le visage était contusionné, fracturé. Il ne pouvait compter le nombre de plaies, d'hématomes qui recouvraient le corps de la jeune fille. Cette dernière, pourtant, était encore consciente. Elle grinçait des dents à cause de la douleur : c'était ça, le bruit que le Russe avait entendu.

— Non, il faut que tu tiennes... s'il te plaît...

Le Slave, fébrile, tenta de saisir son portable pour appeler Nuka. La respiration de l'adolescente était imperceptible.

— S'il te plaît... bredouilla-t-il en recouvrant de sang le petit appareil. Call Nuka. Ah, ça ne marche pas ! Call... Non, s'il vous plaît ! S'il vous plaît ! supplia-t-il. Mon Dieu, s'il vous plaît !

Le corps de la jeune fille se détendait lentement mais sûrement entre ses bras et son souffle se raréfia.

— Non ! Tu n'as... tu n'as pas le droit ! Call Nuka! Call Nuka! Sookin sin! jura-t-il violemment après le cellulaire qui refusait de fonctionner. Tu vas vivre, tu m'entends ? Tu vas... vivre... et... je veux que tu vives ! Il faut que tu vives ! Pas toi ! Pas elle ! S'il vous plaît ! Pas elle, pas encore ! haleta Raven en écartant les cheveux poisseux de sang du visage défiguré de l'Escortée.

Il se tendit, se tut. Il ne la voyait plus respirer. Il ne voyait plus sa poitrine se soulever. Il attendit. Cinq secondes. Puis vingt. Une minute. Puis deux. Puis dix.

Plus rien.

L'Escorte 2Where stories live. Discover now