Interlogue : Until Dawn

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— Est-ce que ça va aller ?

Sawyer ne parvenait plus à dormir, depuis que Raven avait commencé ses terreurs nocturnes. Oh, pas que l'Irlandais soit rodé aux nuits agitées : il pouvait dormir au milieu d'une forêt ravagée par un orage ! Cependant l'état du jeune Slave était préoccupant. Nuka rangea son tensiomètre, sortit de la chambre et haussa une épaule :

— Comme Ove avant, je ne peux rien faire d'autre que lui donner de la buspirone. Tu sais que je ne pourrai rien faire de plus.

— J'aimerais...

— Laisse, Saw, tu dois aussi te reposer. Ce n'est facile pour personne.

— Mais Raven...

— Ordre du médecin. Jo est à côté de lui, il s'assure qu'il ne se blessera pas. Va dans la cuisine.

L'Irlandais obéit. Il était quatre heures du matin, c'était la nuit qui les séparait du Sixième Jour et Raven hurlait à s'en rendre malade, sans pour autant se réveiller. Il rêvait de la mort de l'Escortée. Il suffisait qu'il ferme l'œil pour cauchemarder.

— Hey, Saw, tu veux du café ?

— Boyd, ne prends pas de café. Tu es aussi très fatigué et...

— Tu sais bien qu'à moi, ça me fait rien. J'en fais pour Ray Charles, ajouta l'Américain en voyant son aîné s'asseoir sur une chaise et plonger la tête entre ses bras sur la table. Comme ça, s'il se réveille, il se rendort pas !

— Bonne idée... grogna le rouquin sans relever la tête. Tu as toujours des idées brillantes.

Killjoy, cracha l'androgyne en se saisissant d'un mug rempli de café sucré que l'Escortée lui avait offert pour l'un de ses anniversaires.

Lorsque le jeune homme pénétra dans la chambre de Raven, son meilleur ennemi, il remarqua la lumière tamisée et rejoignit Jonah, qui caressait tendrement la tête du jeune Russe. Le géant était exténué. La fatigue mentale l'emportait sur la fatigue physique.

— Jo, dis, j'ai amené du café, pour...

— C'est gentil, Boyd. Ne fais pas trop de bruit, s'il te plaît.

Tout doucement, l'Américain posa le mug sur la table de nuit. Il vint s'asseoir près de Raven, qui murmurait dans son sommeil, les paupières agitées et le front couvert d'une fine pellicule de sueur. En face de lui, Jonah saisit un linge humide et épongea le visage du garçon.

— Il est courageux, murmura le Yoruba. Il ne dit rien, le jour. Il croit qu'on ne sait pas ce qu'il endure la nuit...

— Il est toujours comme ça, remarqua Boyd.

Il y eut quelques minutes de silence au cours desquelles Jonah rafraîchit régulièrement le Slave, que ne cessait de murmurer. Lorsqu'il commença à s'agiter à nouveau ce fut assez subtil mais le géant reconnut les signes avant-coureurs d'une crise et posa le linge humide sur un guéridon, prêt à contenir le Russe.

— Eh, tu connais Temple Grandin ?

— Boyd, le moment est mal venu pour... oui, je la connais. Elle a lutté pour diminuer les souffrances des animaux en abattoir, c'est ça ? Chut, mon petit, ça va...

— Ah oui, c'est vrai que tu aimes bien la nature, et tout, toi, soupira Boyd comme si cela n'avait qu'un intérêt mineur.

La poitrine de Raven se souleva brutalement et il parla. Des mots incompréhensibles, qui n'appartenaient à aucune langue.

— Bon, eh bien Temple Grandin elle était autiste. Mais c'était grave, tu sais ? Elle parlait pas au début et...

— Boyd, c'est passionnant, mais nous en parlerons...

— Elle avait des crises. Et elle a fabriqué une... comment tu dis ? Une hug box. Ah, oui, une « machine à câlins », il paraît que ça marche bien. Il faudrait une machine à câlins pour...

— Boyd, ce n'est facile pour personne.

Cette fois, plusieurs cris s'étaient échappés des lèvres de Raven. Son visage grimaçait, il en était presque méconnaissable.

— Je vais essayer de lui faire une hug box.

— Boyd, fulmina Jonah. Si tu...

Mais sous les yeux stupéfaits du Yoruba, son jeune ami s'avança sur le lit et saisit fermement Raven entre ses bras, se plaquant contre lui. Il posa une main sur la tête du malade et le serra contre lui avec force.

There, there, all is fine (1), murmura-t-il contre l'oreille du Russe avant de commencer à chantonner sans pour autant relâcher sa prise. Twinkle, twinkle, little star, how I wonder what you are. Up above the world so high, like a diamond in the sky... Twinkle, twinkle, little star, how I wonder what you are.

Jonah, d'abord mécontent de voir Boyd tenter une telle expérience sans son accord, fut surpris de voir Raven s'apaiser dans son sommeil. Sa voix se calma, ses spasmes diminuèrent. Il reprit ses murmures et son visage garda des tics nerveux, mais ce n'était rien face à la crise qui avait menacé d'éclater.

— Boyd, si tu veux bien...

— Va te coucher, Jo, je s'en occupe.

Boyd jouait les détachés, mais le Yoruba savait qu'il était très fier – et surtout très ému – d'avoir été celui qui était parvenu à calmer Raven.

Le lendemain matin, il fallut une demi-heure pour expliquer au Russe – indigné – la raison pour laquelle il s'était éveillé étroitement lové contre Boyd. Ce dernier n'hésita pas à jeter de l'huile sur le feu, déclarant qu'il n'avait fait que céder aux avances de son ennemi.

Les Proscrits en rirent, mais cette pantomime ne leur permit pas d'oublier ce qui allait se produire le jour même.

Au coucher du soleil, l'Escortée les oublierait définitivement...

*

(1) Là, là, tout va bien... NdT.

L'Escorte 2Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ