Interlogue :

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— Tu es sûr de toi, Ove ?

Le Suédois esquiva un violent coup de pied retourné et se remit en garde.

— Tu me prends pour qui ?!

— Je dis ça parce que Jonah ne l'a pas vue partir par le bus.

Sawyer ne fit que tourner la tête, ce qui lui permit d'éviter sans souci les deux directs qu'enchaîna Ove. Ce dernier, un peu déstabilisé par la conversation, ne prit pas garde à une manœuvre sournoise de son adversaire et sentit – trop tard – une main saisir sa ceinture.

— Eh... !

Ove constata que l'Irlandais lui faisait faire volte-face : il avait perdu et devait se préparer à présent à l'impact.

— Non ! Saw !

Le jeune homme se fit propulser dans les airs et atterrit de façon bien peu gracieuse sur le tatami. Son adversaire renoua sa ceinture blanche et s'inclina militairement face à Ove, qui s'était relevé avec souplesse.

— Je croyais que tu avais pratiqué les arts martiaux ? ricana Sawyer.

— Ouais, gronda le Scandinave, qui ne prit pas le temps de remettre son kimono correctement.

— Rhabille-toi ! ordonna sèchement l'Irlandais.

— Non, j'suis chaud bouillant.

Son ennemi bondit sur lui et profita des pans lâches du kimono pour le faire chuter, une fois encore, et le traîner sur le sol. Quelques coups de pied bien placés firent gémir Ove de douleur.

— C'est bon ? Refroidi ?

— Connard...

— C'est bien ce que je pensais, soupira Sawyer.

Il fit passer son piètre adversaire au-dessus de sa tête et l'envoya s'écraser contre l'un des murs rembourrés du petit dojo.

En fait de dojo, ils se trouvaient chez Nuka. Ce dernier, assez fantasque dans sa façon de vivre, avait fait construire une salle de sport sur l'intégralité du deuxième étage de sa maison et la moitié de la pièce était consacrée à un tatami. Sawyer et Ove s'y entraînaient depuis trois heures déjà, tandis que Nuka lisait au rez-de-chaussée. Les deux combattants accumulaient plusieurs sports de combats, mais l'Irlandais avait de loin la plus grande expérience. Il portait toujours une ceinture blanche, usée jusqu'à la corde et qui faisait pâle figure face au tissu noir qui ceignait les reins du Suédois, mais il ne fallait pas se laisser prendre à ce détail subtil : la large ceinture élimée signalait que son porteur avait atteint le douzième dan, durement mérité. Le junidan était le plus haut grade que l'on pouvait atteindre et Sawyer l'avait un jour dépassé. Il n'avait jamais abandonné cette vieille ceinture, un cadeau, la reprisant et la renforçant parfois. Tous les autres Proscrits savaient ce qu'elle signifiait : l'Irlandais leur avait à tous expliqué, au cours des entraînements privés qu'il leur dispensait, que l'immaculé de cette ceinture représentait tout ce qu'il n'était pas, tout ce dont il avait été privé : la pureté, l'innocence... et en Asie : la mort.

Ove finit par se relever :

— Saw, tu sais que j'aime pas que...

— Sawyer ?

Nuka, une cigarette vissée au coin des lèvres, était entré sans crier gare dans la salle de sport. Il était pieds nus, ce qui lui permit d'entrer simplement sur le tatami.

— Respecte, murmura l'Irlandais entre ses dents.

Déjà agacé, l'Amérindien failli rétorquer qu'il était chez lui et qu'il avait une nouvelle grave à leur partager, mais il se contint. Les arts martiaux étaient tout ce qui restait de sacré, d'intouché pour Sawyer. Il se mit à genoux et posa trois fois son front sur le tatami, la cigarette fumante toujours entre ses doigts. Il se releva de l'air le plus désinvolte du monde :

L'Escorte 2Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ