CHAPITRE XXV.

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      TEMPÊTE DANS UNE TASSE.

    Saül savait depuis toujours que sa mère en voulait atrocement à son père, le riche King, qui n'avait jamais consenti à l'écouter, ni à la comprendre. Comme sa mère, il ne rencontrait que sa grand-mère qui était une femme formidable. Très gentille et très amicale. Un peu trop conciliante. Saül pensait qu'à cause de sa grande et même démesurée gentillesse, elle n'avait jamais réussi à se dresser contre son mari, ni à lui dire non. Il comprenait la position de sa mère et sa détermination à ne se laisser piétiner par personne : ni père, ni frères et encore moins un époux. Être gentil ne signifiait aucunement se laisser manipuler au point d'abdiquer toute volonté. A son point de vue, sa grand-mère avait failli dans sa mission de mère. Elle n'avait guère réussi à protéger sa fille, ni à lui procurer un cadre sain apte à lui donner un équilibre. Elle aurait dû mieux jouer son rôle en tenant tête au super King et lui faire connaître ses devoirs, ses torts et ses limites. Mais bien sûr, il gardait toutes ses considérations pour lui-même.

   De quel droit juger les autres ou les critiquer ? Chacun agissait selon ses convictions et en assumait les conséquences. Bonnes ou mauvaises.

    Son coup de fil à sa grand-mère lui apprit que son grand-père avait eu un malaise suite à une dispute avec un employé venu se plaindre d'une grave indemnité causée par une absence prolongée sans justification. Excédé par un comportement irrespectueux, il lui avait fait la morale devant laquelle à son tour l'agent riposta avec un discours sur l'humanisme, la tolérance et l'entraide. Il apprit malgré lui que l'agent de sécurité avait été retenu auprès de sa petite fille âgée de six ans qui avait été exposée à un grave accident de voiture et il lui avait fallu courir de médecin en médecin pour lui assurer une opération afin de lui éviter une paralysie. En venant à la société quémander de l'aide pour couvrir les dépenses, il avait reçu la mauvaise nouvelle tel un soufflet en pleine figure. Fou de rage, il avait envahi le bureau du grand boss où se trouvait par malchance le père et non pas le fils aîné. Dans sa fureur doublée de peur pour sa fille et le temps précieux qu'il perdait à cause de gens impitoyables, il avait déversé sa bile ne se souciant de rien ni de  personne. Qu'avait-il à perdre ? Si quelque chose survenait à sa fille, il n'hésiterait guère à... commettre un crime.

   Dans sa stupéfaction de voir un simple agent de sécurité se dresser contre lui et donc contre toute la hiérarchie, son sang ne fit qu'un tour dans ses veines. En l'entendant se présenter en tant que père outré par le comportement d'un autre pseudo père incapable de saisir le sens de la paternité ni les sacrifices qui devaient en découler, monsieur King se rappela sa conduite à l'égard de sa fille avec qui il avait coupé tous les ponts obligeant même ses fils, dans leur crainte de lui déplaire, d'en faire de même. Très en colère, il l'était assurément mais non pas comme le crurent tous les présents témoins de l'algarade. Chaque mot que prononçait l'agent tombait dans les oreilles et le cœur du vieux père tel ce couperet qui tranche net ne provoquant aucune souffrance. Sur le moment. Pourtant, une fraction de seconde après la douleur vive et insurmontable lui tomba dessus lui coupant le souffle et empêchant le cœur de recevoir cette quantité d'oxygène indispensable pour... bien  respirer.... Affaissé dans sa chaise directoriale derrière un bureau de chêne massif, il devint une poupée désarticulée... presque... sans vie n'était-ce la rapide réaction du même... employé qui oublieux de sa rage ne songea qu'à sauver une personne en danger de mort. Qu'importe les rapports avec les gens ? Un humain reste toujours humain avec ses amis comme avec ses rivaux ou ennemis.

   Ainsi survint le malaise de monsieur King dont tous les médias firent des gorges chaudes accusant le pauvre agent de menace et d'agression.

   En train d'être conduit à la clinique en urgence, Issac King eut deux pensées tout en étant relié à un masque à oxygène. Il revit sa fille perdue depuis... tellement longtemps tentant de lui expliquer ses motivations et lui se contentant de lui opposer un refus catégorique et un ultimatum tranchant. Il avait cru, dans sa bêtise, que la fille pouvait ressembler à la mère et du coup adopter le même choix. Il avait cru qu'habituée au luxe et aux égards, elle ne supporterait pas plus de deux jours la disgrâce et reviendrait en courant se jeter dans ses bras sollicitant pardon et indulgence. Il s'était au lieu de cela heurté à un bloc de glace, à une farouche obstination digne... des King. Oui, Gaby était bien la fille de son père aussi obtuse que lui. Sinon plus. Alors de quoi se plaignait-il ? De quoi s'était-il plaint toutes ces années passées à lui en vouloir ? Ne l'avait-il pas inscrite dans les meilleures écoles uniquement dans le dessein de faire d'elle une personne épanouie, indépendante et pourvue d'une personnalité inébranlable ? Il avait eu la preuve que son argent n'avait pas été dépensé pour rien. En homme sévère et même dictateur se méprenant sur le sens de la paternité, il avait cherché à faire de son foyer un camp militaire où tout le monde marcherait à la baguette. Sinon aux coups de crosse.

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Where stories live. Discover now