CHAPITRE LXXI.

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          COUP

                  DE

                     THÉÂTRE (SUITE).

    Saül vivait la scène au ralenti comme celle tirée d'un film d'horreur. Ses yeux avaient beau lui envoyer une image réelle et évidente, son cerveau rechignait à l'accepter, à l'enregistrer car cela signifierait se condamner à des moments pénibles, à des heurts et des frictions desquels il se passait volontiers.

  Depuis quelque temps, il avait tendance à se considérer ainsi qu'un être béni par la providence. Sa connaissance de Wendy et leur rencontre avaient chassé un lot de regrets, de déceptions, de chagrins... et ouvert la voie à des perspectives, des espérances, des rêves... Le bel édifice venait de...chuter. Choir.

   - Bonjour, Saül ! Bonjour, Gaby ! les hella une voix qu'ils auraient souhaité ne jamais plus entendre....

*******************

   Wendy, sur un coup de tête, décida de dévier du côté des boutiques avant de rentrer à la maison. Déambulant entre les rayons, elle tomba sur des merveilles la poussant à oser des folies inhabituelles. Elle revit la jeune vendeuse qui se montra aimable et professionnelle sans obséquiosité. Elle restait indécise face à une robe courte d'un chic fou mais trop courte lorsqu'elle sentit une présence près d'elle et une voix qui lui rappelait quelqu'un lui déclarer :

   - Avec cette robe, vous allez commettre un carnage. Déjà que les hommes tombent sûrement comme des mouches à votre passage ! 

   Wendy qui n'appréciait guère se voir ainsi aborder allait répliquer vertement lorsqu'elle rencontra le regard malicieux de Julia Grandet qui apparemment adorait faire les boutiques et taquiner clientes et vendeuses.

   - Bonjour, Madame Grandet ! Heureuse de vous revoir ! lui répondit-elle suscitant ainsi l'admiration de son interlocutrice.

   - Vraiment ! Vous m'épatez ! Vous vous rappelez de moi et de mon prénom !?

   - Bien entendu ! Vous êtes quelqu'un de très bien et monsieur Grandet est un homme des plus recommandables.

   - Vous êtes vraiment un vrai baume ! Comment vont les affaires ? Votre travail avance ?

   - Malheureusement non. J'ai été occupée par l'exposition puis la maladie d'un ami alors je n'ai eu ni le temps, ni l'envie de travailler. Mais je vais m'y remettre dès aujourd'hui. J'ai cru comprendre que la chose ne vous pose pas problème, n'est-ce pas ?

   - Aucun ! Je vous fais confiance. Après ce que j'ai vu l'autre jour, je sais de quoi vous êtes capable. J'ai compris que la création est un art. Prenez votre temps. Vous hésitez devant cette sublime robe ?

   - Oui, un peu trop courte à mon goût.

    - Avec de telles jambes, vous êtes capable de porter n'importe quoi.

    - Trop indécente.

    - Il faut juste éviter de se baisser et je ne pense pas que vous seriez appelée à le faire.

   Pendant que Wendy prenait son temps pour mieux étudier la robe et évaluer le taux de son confort par rapport à celui de son élégance, Julia l'observait en froissant un foulard qu'elle avait autour du cou. Apparemment, elle oscillait entre un douloureux choix. Mais lequel ?

    - Si vous êtes intéressée par la robe, je vous la laisse, proposa Wendy se méprenant sur ses motifs.

    - Vous plaisantez, n'est-ce pas !? J'espère que vous n'êtes pas méchante à ce point !? Non ! Non ! Je plaisante ! Charles me tuerait si j'osais porter une telle robe qui serait considérée comme un outrage à la bienséance ! Sur moi, bien sûr ! Je sais que j'ai un peu trop de hanches et ça distend le tissu. Écoutez, Wendy, je voudrais vous parler d'un sujet qui me tient à cœur mais j'hésite.

UNE FILLE PAS COMME LES AUTRES. TOME I. (TERMINÉ). Where stories live. Discover now